dimanche 24 avril 2016

113ème cigarette sans dormir

J'aime bien la nuit.

J'ai longtemps travaillé de nuit, et puis la nuit, tout est différent. Les gens paraissent plus fragiles, plus accessibles... c'est la nuit qu'on se confie, c'est la nuit qu'on se met à rêver d'autre chose, quand on prend les uniformes des portiers d'hôtels pour ceux des généraux étoilés, des combinards en costards et gros cigares pour de richissimes hommes d'affaires, qu'on confond la dope avec du sucre en poudre et les pouffiasses maquillées comme des voitures volées avec des bourgeoises venues s'encanailler dans les clubs "branchés", là où la moindre pisse d'âne ambrée est vendue au prix du Dompé. Poudre aux yeux, de la poudre et des bals, du clinquant, du bling-bling, il faut que ça brille, que ça en jette, strass et paillettes... stress et mouillette aussi, parfois...non, je ne vous donnerai pas les adresses, et puis un peu de sport ne fait pas de mal. C'est ça qui est fun avec le monde de la nuit : tout change, tout se transforme, tout brille de mille feux, tout étincelle...mais à l'inverse tout apparaît aussi plus noir, les moindres petits problèmes prennent des proportions gigantesques, aux heures incertaines succèdent les heures improbables avec leur lot de détresse et de désespoir, là où le coeur de la nuit se change souvent en noirceur de l'âme et où on se précipite vers la moindre lueur d'espoir, quitte à s'y brûler les ailes.

Vous pensez bien que, dans ma situation de quasi bi-polarité, j'ai eu flores de cette alternance de bons et de mauvais trips, passant sans cesse du versant éclairé de la montagne au côté obscur de la force. Et encore aujourd'hui, où tout n'est pas complètement résolu, il subsiste tant et tant et plus de zones d'ombres, qu'il m'arrive d'alterner optimisme béat et euphorique avec crises existentielles de profonde désespérance. En tant que transexuelle (M-->F), je fais par exemple une fixette sur l'aspect de mes seins (rien d'original), sachant que c'est un des éléments fondamentaux et surtout visibles qui marqueront ma différence, bien plus que ne pourrait le faire la vaginoplastie, à moins de vivre en permanence dans un camp de nudistes. Il est rare que les gens croisés dans la rue sachent vraiment ce qu'on a entre les jambes ou pas. Donc tous les jours et plusieurs fois par jour je guette le moindre signe, la plus petite différence avec la veille. Quand je pense que certains me "reprochent" presque de ne pas déjà arborer une avant-scène digne de la Scala de Milan, soucieux sans doute de me voir avancer en brandissant ce nouvel étendard, l'ancien s'étant mis désormais aux abonnés absents, ou du moins en dérangement pour cause de travaux sur la ligne. C'est curieux ces références continuelles à tout ce qui est protubérant chez les mecs, à croire que ceux qui les affublent du syndrôme de l'éléphant n'ont pas tout à fait tort. Ca se vérifie avec les bagnoles, qui sont souvent le prolongement de leur virilité, de même qu'avec leur pénis, qui est le prolongement de leur cerveau...quoique un éléphant, ça trompe énormément.

J'avoue, je me lâche un peu en faisant du féminisme primaire mais ça détend. Et puis j'en ai un peu marre de tous ceux qui s'imaginent que parce qu'on s'apprête à changer de sexe, ça signifie qu'on va obligatoirement devenir un top model, et qui se gaussent quand on ne devient pas du jour au lendemain ce qu'ils aimeraient que leurs épouses respectives deviennent toute leur vie. Et toujours en cause l'image des transexuelles donnée par les divers médias, objets de leurs fantasmes inavoués (et surtout inavouables). Les hommes et les femmes ne sont pas faits pour se comprendre, juste pour cohabiter, ce n'est pas nouveau, et chez certains c'est largement vérifiable. Je me dis juste que dans ces moments là, j'aimerais bien être plus vieille de quelques mois et leur clouer le bec...tiens, rien que pour les faire bisquer, je vais me payer un peu de chirurgie esthétique...juste pour les voir baver. Qu'est-ce que je raconte là ? Ca va pas non, je ne suis pas du tout intéressée par les mecs, mais j'aimerais juste qu'ils aient un peu plus de tact, si c'est pas trop demander. C'est déjà pas évident pour une femme complexée par ses petites rondeurs légèrement disgracieuses ou par un bouton mal placé, alors pour une transexuelle en début de parcours et à un âge...avancé, ils devraient comprendre que la moindre remarque puisse blesser.

Et du coup j'en reviens à la nuit et à ses deux faces, métaphore facile pour dire que ce n'est pas parce qu'on a pris sa décision une fois pour toutes qu'on est forcément à l'abri de tous les moments de doutes et d'angoisses. Au début c'est génial, on a franchi le pas, tout est nouveau, tout se met en place tranquillement, mais après plusieurs mois, on se pose fatalement quelques questions, et ces questions deviennent parfois des obsessions. Je le sais, pourtant, qu'il y a quelques changements. Je regardais des photos d'avant le début du THS et de maintenant, et c'est vrai que le teint s'est éclairci, la peau marque un peu plus qu'avant, les seins commencent à tirer, m'obligeant à porter un soutien-gorge pour diminuer les frottements désagréables causés par les vêtements, j'ai eu droit à mes premières bouffées de chaleur (moi qui était déjà une pile à la base, ma femme m'a toujours appelée sa bouillotte, c'est hyper désagréable), quelques détails encore ici et là. Oui mais voilà, mon premier bilan va arriver d'ici un mois et ce sont autant les résultats physiques et visibles qui m'importent que les résultats des diverses analyses, taux d'estradiol, de testo, etc, qui vont déterminer si l'option que j'ai choisie est la bonne ou pas. En fait, plus l'échéance approche, plus je flippe, et le moindre désagrément prend des proportions énormes. C'est pour ça aussi que j'ai quelques sautes d'humeur, Jean qui pleure et Jean qui rit, mais surtout Caro qui se morfond. Dites, il n'y a pas quelqu'un, de l'autre côté du miroir, derrière l'arc-en-ciel de ma dalle pixélisée, par-delà les torrents de bits et de gigaoctets, qui pourrait éventuellement m'envoyer un message de soutien ?

Non, je dis ça comme ça, mon blog n'a qu'un mois d'existence après tout, et je ne suis pas persuadée qu'il batte des records d'audience. C'est con, pourtant je m'applique, j'essaye de ne pas faire trop de fautes d'orthographe. Promis, à partir du 10ème commentaire, je mets mes photos en ligne (ce qu'il ne faut pas faire pour apâter le client....tsssss). Blague dans le coin, vous aurez droit à mon évolution mammaire, parce que si jamais ce que je prends fonctionne, j'ai pas envie qu'on dise ensuite que j'ai eu recours à la chirurgie pour cette partie là, et si en plus ça peut aider des copines à aller mieux, alors...

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