dimanche 24 avril 2016

Avenue de l'Amour

Bonjour...

Je vais vous parler de l'histoire d'un couple que je connais bien, puisqu'il s'agit de celui que nous formons elle et moi.

Il y a 13 ans de cela, nous nous sommes rencontrées "par hasard" et il s'en est fallu d'un rien pour que cette rencontre n'ait jamais lieu...marrant le destin parfois...

Dès le début de notre relation, elle a su ma "particularité", car c'est une chose que je n'ai jamais cachée aux femmes qui ont compté dans ma vie, à l'exception près que, ne sachant pas moi-même jusqu'où tout ça allait me conduire à l'époque, j'occultais une partie de la vérité, à savoir, la voie que j'ai choisie aujourd'hui. Pour elle, cette Caro qui pointait le bout de son nez à chaque occasion qui se présentait n'était donc rien d'autre qu'une particularité un peu..."particulière", mais sans conséquence particulière, une manie, une lubie, pas de quoi fouetter un chat (pauvre bête), et certainement moins grave que jouer au PMU ou rentrer bourré et la tabasser parce que la soupe n'était pas servie à l'heure.

Donc nous nous sommes mises tout naturellement en ménage, suivi d'un mariage trois ans après, pour "officialiser" notre amour...plus par tradition en fait, l'amour ne se "contracte" pas comme une vulgaire police d'assurance. Au cours de toutes ces années, elle a laissé Caro s'exprimer peu à peu, puis de plus en plus, participant à son évolution, lui offrant parfois des fringues, la laissant errer la nuit en voiture, sans but, rien que pour lui permettre d'assouvir ce besoin de se sentir femme et de se comporter comme telle, tissant imperceptiblement la toile du filet de cette autre femme qui allait un jour lui prendre celui avec lequel elle s'était mariée.

Mais paradoxalement, plus Caro étendait son emprise sur celui qui partageait sa vie, plus les liens de leur amour se renforçaient, car il est bien souvent dit que les épreuves de l'existence "transcendent" une relation. Aussi, plus la spirale qui allait inexorablement les mener au point de non-retour se resserrait, inéluctabilité du destin, plus l'osmose qui régnait entre eux (et bientôt entre elles) s'imposait et grandissait, jour après jour, mois après mois, année après année.

Et puis le temps de la prise de conscience, le "choix" à prendre pour ne plus se mentir à soi-même et ne plus mentir aux autres par la même occasion, le temps des nuits entières à envisager toutes les possibilités, les sanglots longs des violences de l'automne d'une vie qui s'achève, les serments d'un jeu de paumés, perdus dans le maelstrom implacable qui les emporte sans espoir de retour, et la décision unilatérale de rester, pour le meilleur et pour le pire, et puis on a déjà eu le pire et le meilleur, pourquoi en serait-il autrement après ?

Ensuite vient l'accompagnement de tous les instants, celui qui me fait dire que ce n'est plus tout à fait uniquement "ma" transition mais la "nôtre". On dit que transsexuelle est un sacerdoce ? Alors femme de transsexuelle est un chemin de croix, le chemin d'une vie, une vie pour une autre vie, touchante d'abnégation confinant au sublime, à l'impossible, au divin. Et il paraît que les anges n'ont pas de sexe ? Ben pourtant le mien en a un, c'est peut-être aussi pour ça que je veux tout faire pour m'en approcher du mieux que je peux, même si je sais désormais que jamais il ne me sera possible d'espérer pouvoir ne serait-ce que lui arriver à la cheville, car cette femme, ma femme, a l'amour chevillé au corps justement.

Pour elle je suis déjà cette Carolyne, et depuis longtemps, elle que rien ne prédestinait à cette "drôle" de vie, elle qui affronte déjà le regard des autres, de ses proches, de sa famille, elle qui a choisi finalement de faire sien mon propre "coming out" quand on y réfléchit, car je l'emporte avec moi sur le chemin que j'ai choisi, et qu'elle aura à subir les même avanies. Moi je ne suis que "malade", mais elle, elle sera en plus "malade d'une autre malade", frappée du sceau d'une double infâmie par la "bonne" société, cette société qui a déjà une propension naturelle à jeter l'opprobre sur les "fils de" ou "femme de", faisant peser sur eux les "fautes" de leurs proches ou de leurs ancêtres, alors si en plus il s'agit d'un choix "contre nature" délibéré, pensez donc...

Eh oui, car non seulement mon ange va m'accompagner jusqu'au bout du voyage, mais en plus elle continuera à parcourir le même chemin avec moi "après", car notre transition n'est qu'un passage, une étape à franchir pour pouvoir ensuite commencer cette autre vie à deux, cette vie qui fera d'elle une "lesbienne", par la force des choses et une logique sans faille, parce que c'est sans doute ça l'Amour, et il se situe bien au-delà de tout ce que j'aurais pu imaginer lors de notre première rencontre, et bien au-delà de toutes les étiquettes que les "braves gens" s'évertuent à nous coller.

Je crois que c'est Aragon qui disait que "la Femme est l'avenir de l'Homme"...je n'en ai jamais été aussi intimement convaincue que depuis le jour où j'ai eu la chance de la rencontrer, et pour lui rendre un bien modeste hommage en comparaison de tout l'amour qu'elle me porte, je n'ai fait que changer le "i" de mon nouveau prénom pour le "y" du sien...Caro et Lyne réunies à jamais, ça devait être un signe du destin....le hasard est facétieux parfois...

Je t'aime, Lyne, femme de mes vies...celle d'avant, celle de maintenant, et celle d'après...


2 commentaires:

  1. tout ce que tu dis, tout ce que tu écris est beau, profond,et d'une tendresse infinie pour Lyne, bravo pour ton parcours, bravo pour cet amour, et bravo à toi! gros bisous

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    1. Merci Zabeth. Quand je l'ai écrit à l'époque je le pensais sincèrement. Aujourd'hui je le pense toujours mais depuis la fin du parcours je l'ai juste oublié pendant un moment d'égarement, trop habituée que j'étais de l'avoir à mes côtés au point de ne plus assez penser à elle, tout comme on ne pense pas à respirer tant c'est naturel...jusqu'à ce qu'on retienne sa respiration.

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