lundi 25 avril 2016

L'étrangère dans la glace

Descendre dans la soufflerie
où se terre le mystère inquiet
des ondes et de l'asymétrie
des paramètres au cœur violet.
Je vois des voiles d'aluminium
au fond de mon regard distrait,
des odeurs de mercurochrome
sur le registre des mes plaies.

Le vent glacé sur mon sourire
laisse une traînée de buée
quand je regarde l'avenir
au fond de mes yeux nécrosés.
Le vide a des lueurs d'espoir
qui laisse une ombre inachevée
sur les pages moisies de l'histoire
où je traîne ma frise argentée.

Mais mon regard s'efface.
Je suis l'étranger dans la glace.
Mais ma mémoire s'efface...

La brume adoucit les contours
des ratures sur mes triolets.
La valse des nuits et des jours
se perd dans un murmure discret.
Les matins bleus de ma jeunesse
s'irisent en flou multicolore
sur les molécules en détresse
dans le gris des laboratoires.

Mais mon regard s'efface.
Je suis l'étranger dans la glace.
Mais ma mémoire s'efface...


Paroles : Hubert Félix THIEFAINE
Musique : Jérémy KISLING


Je retrouve ici mon blog initial qui avait été mis en sommeil "forcé" depuis 2015, après avoir été usurpé par un autre, qui portait le même nom...un truc de modeuse du net, comme il en existe des centaines et sans rapport avec le sujet.
Bug ou piratage, je ne saurai jamais, mais à priori tout semble être rentré dans l'ordre après avoir signalé maintes fois le problème (mieux vaut tard que jamais) et heureusement que j'avais gardé des archives de la quasi totalité de mes articles de l'époque et que j'ai pu tout réinstaller ou presque.

Du coup je reprends là où je m'étais arrêtée

La fin du voyage...

Après le changement officiel d'état civil, j'ai encore eu droit à une deuxième chirurgie faciale, parce que si je suis très satisfaite de mon petit abricot magique exotique, mon visage porte encore quelques stigmates de ma vie d'avant, et vu que depuis le retour en force du fait religieux obscurantiste dans ce qui fût naguère le pays des Droits de l'Homme (et de la Femme en particulier) il ne faut pas "stigmatiser", alors ça doit être aussi valable pour ma tronche...et tout ça à ma charge (donc à ma décharge, pour ceux qui voudraient me reprocher de creuser encore plus le trou de la sécu, parce que ça reste de la chirurgie esthétique).

En parlant de sécu, ma carte Vitale a été modifiée automatiquement sans que j'en fasse la demande, je m'en suis aperçue un jour où celle que j'avais jusque là n'était plus reconnue à la pharmacie et que mon ancien numéro n'existait plus dans les fichiers. En remplaçant le "1" par "2", surprise, c'était moi sous ma nouvelle identité. Bon, les papiers je m'en fous, je l'ai déjà dit, mais tout de même, quelque part ce "2" c'est un bonheur, j'avoue...

Pas encore l'étrangère dans la glace toutefois, mais un petit pas pour la femme, et un grand pas pour mon humanité, même si les résultats de ma deuxième chirurgie faciale ne sont toujours pas au rendez-vous. On est souvent sa pire ennemie, et pour tout dire, ça me pourrit encore la vie et ça a même failli me faire faire une énorme connerie. En fait la connerie je l'ai faite puisque j'ai succombé aux appels d'une sirène qui m'avait jouée la grande scène du deux et pour qui j'étais une "révélation, celle qu'elle avait attendue toute sa vie" (textuel). Déjà quand une hétéro te balance qu'elle a une attirance pour toi qu'elle ne s'explique pas, et qu'ensuite elle te sort ce genre de trucs, fatalement pour une femme comme moi, ça a une certaine signification et même une signification certaine.

Je sais, je n'ai aucune excuse, juste une explication, un cumul de plusieurs choses, entre désillusions et frustrations, entre rêves et réalité, entre espoirs et déceptions, entre combat permanent contre les cons qui continuent à me faire chier au quotidien et toutes celles et ceux qui vivent leur vie par procuration avec la mienne, qui à la fois me dégueulent et m'envient d'avoir osé oser, comme la ménagère de moins de 50 ans mouille sa petite culotte en lisant d'une main "50 nuances" de chose là, pour se donner l'air d'avoir l'air, juste avant d'aller faire à bouffer et de torcher les gosses. Il fallait les voir, leurs tronches quand elle me faisait livrer des fleurs au boulot avec le petit mot qui va bien et qui me payait de toutes leurs saloperies, dépités que "le monstre de foire" puisse plaire aux jolies femmes, au point que j'ai fini par en oublier l'essentiel...aucune excuse, je te dis, d'autant que ma femme a oublié d'être moche elle aussi, et alors pour être aimante, elle l'est.

Pas fière de tout ça et qu'elle en ait souffert...là oui je me suis comportée comme une vraie merde, trop centrée sur mes petits problèmes existentiels. Alors on essaye de reconstruire ce que j'ai cassé. Pas facile...des fois je me dis que les autres ont raison et que je ne la mérite pas, parce que là encore elle m'aura fait passer avant elle, avant sa douleur d'avoir cru qu'elle allait me perdre. Quand je dis que notre couple dérange, en fait c'est surtout de la jalousie qu'il provoque chez les autres, car être aimée à ce point c'est impensable, c'est indécent, ça ne peut pas exister.

Et pourtant...

Je crois que là je viens de me mettre à dos les rares personnes qui me soutenaient encore. Bien fait pour ma gueule, et là ce sera mérité...

dimanche 24 avril 2016

Exit to Chatagoune-goune

Amours-crayons-bites-enfoncés
dans les tubulures glauques du vent
L'ange a léché le chimpanzé
sur l'autel des agonisants
Clinic-woman-cœur-manivelle
tournant dans le soleil couchant
Ce soir je sors de ma poubelle
pour provoquer tes océans
Cafards-gardiens-d'enfer-casqués
défilant dans mes nuits d'automne
m'accusant de ne plus tricher
devant ta pompe à méthadone
Rue morgue-avenue despérados
dans les barbelés du goulag
Ce soir je sors de mon blockhaus
pour me parfumer à ta vague
Je danse pour toi petite
Je bande pour toi (bis)

Délires-désirs-corps entraînés
dans les brouillards du crépuscule
Parfums-sexy cœurs gominés
tension-danger-sortie-capsule
Jadis cavalier du néant
je reviens en vampire tranquille
dans ta nuit maquiller les blancs
de ton calendrier de petite fille
Je danse pour toi petite
Je bande pour toi (2)

Curieux soleil de plexiglas
dans la vitrine des marchands d'ours
Gyrophares sur mes pataugas
nitroglycérine à la bourse
Filmé par les Mau-Mau
par les stups et les contes de fées
j'planque mon secret sous ta schizo


et m'accroche à ton corps blessé
Amant-mutant matant nos stances
à l'ombre des amours gadgets
j'endors mes cadences en instance
et me balance à ta planète
Inutile d'afficher nos scores
aux sorties des supermarchés
Les dieux sont jaloux de nos corps
nous balayons l'éternité
Je danse pour toi petite
Je bande pour toi (ad lib)



Paroles : Hubert Félix THIEFAINE
Musique : Hubert Félix THIEFAINE / Claude MAIRET




Antépénultième étape de ce voyage qui aura duré officiellement trois ans et demi, bien que commencé il y a des années, ma puce et moi sommes convoquées le 5 juin au Tribunal de Grande Instance afin que les magistrats statuent sur l'opportunité de ma demande de changement de sexe et d'état civil, et surtout qu'ils la confirment. Et comme j'en ai l'habitude depuis le début du parcours, antépénultième tracasserie qui me tombe dessus la veille : un préavis de grève de la part des avocats sera déposé pile-poil le même jour que l'audience, rapport aux nouvelles dispositions de l'aide juridictionnelle, à laquelle je n'ai pas droit puisque je travaille et que pour nous c'est plein tarif. Traduction : c'est râpé pour demain vu qu'aucune affaire ne pourra être traitée à cause de ça, et ça reportera les délibérés aux calendes grecques. Ca en devient presque comique à la longue, et si un scénariste osait te cloquer ça dans les gencives à longueur de séquences, tu crierais au scandale tellement ces accumulations c'est juste pas possible, nan mais ho, et puis quoi encore ? Oui mais bon, tu connais le dicton : impossible, pas français. Remarque, c'est un peu ma faute aussi, j'ai trop tardé à constituer mon dossier alors que j'aurais pu le faire dès le départ au début de l'aventure.

Ah oui, faut que je t'explique ça au fait. Figure-toi qu'une des revendications des gens qui s'expriment pour nous (assoces, collectifs, mouvements...) c'est le changement d'état civil libre et gratuit, ainsi que la fin de "la stérilisation forcée pour les trans". Bon, libre et gratuit, j'adhère, encore que pour le côté "libre", je me demande bien quels seront les critères pris en considération si jamais ça passe. Parce que le problème c'est qu'on veut tout regrouper sous une même bannière alors qu'on a en gros 3 catégories différentes de personnes transidentitaires et qui n'ont pas les mêmes motivations ni les mêmes buts : les travestis, les transgenres, et les transsexuelles. Qu'on fasse en sorte de faciliter ce changement d'état civil pour les personnes s'étant engagées dans un parcours de changement de sexe (donc les transsexuelles), et que ce changement puisse intervenir bien avant l'opération de réassignation sexuelle, afin d'éviter des situations parfois gênantes, ça je l'entends parfaitement. Il est toujours inconfortable de se faire appeler "monsieur Untel" dans une salle d'attente bondée alors qu'on était venue dans une jolie robe à fleurs, ou bien encore de se faire entendre dire qu'on a dû mal comprendre ce que le médecin a dit quand il voulait qu'on passe une mammographie...et je ne parle même pas de tous les actes de la vie courante, comme le simple fait de présenter une pièce d'identité quand on règle par chèque.

Même si moi je m'en fous un peu et qu'en général je m'en amuse plutôt puisque je l'assume, ça pourrait tout de même être une bonne chose au final pour les autres. Et si les transgenres peuvent l'obtenir également, ça ne m'enlève rien non plus. Tiens, et même que je serais prête à accepter que les travestis puissent avoir deux états civils distincts, suivant qu'ils sont contrôlés à un instant T dans un genre ou dans l'autre, c'est dire à quel point je vois loin. C'est pas comme ça qu'on règlera le problème de la visibilité des trans, puisque finalement ces revendications les cacheront encore plus aux yeux des autres puisqu'il n'y aura que deux options possibles. Exit donc l'entre-deux mais peu importe, on n'est plus à une contradiction près chez nos "porte-paroles", et si ça peut faciliter la vie des filles, après tout pourquoi pas.

En revanche, et là tu vas voir qu'on est au cœur du problème, lorsque j'entends dire "non à la stérilisation forcée des trans", je me demande de quoi on parle. Je laisse de côté ce que je viens d'expliquer plus haut, à savoir qu'une solution "de confort" pour le changement d'état civil avant l'opération de réassignation puisse être justifiée, et je me penche sur ces fameuses trans qui ne veulent plus être stérilisées de force. C'est quoi ce délire ? Sachant que quand tu es transsexuelle, tu vas FATALEMENT devenir stérile, que ce soit avec l'opération ou même le simple traitement hormonal, va falloir qu'on m'explique, ou alors j'exige d'être "remboursée" (au sens premier du terme). Non mais ça va pas la tête ? C'est aussi incongru que quelqu'un ayant un pied qu'il faudrait qu'on ampute car bouffé par la gangrène et qui exigerait qu'on lui laisse son membre...ou alors c'est qu'il n'avait pas la gangrène, faut être logique. Il y aurait donc des trans ne voulant pas être opérées ni même prendre un traitement hormonal qu'on obligerait à devenir stériles rien que pour qu'elles obtiennent un bout de papier à la con ? Et le pire c'est qu'elles le feraient en plus ? Et on parle ensuite de dépathologisation ?

Ben tu vois, et contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là à mon sujet (je n'ai pas que des amies au sein de la "communauté"), je ne suis pas allée faire mon saut de l'Ange à Bangkok pour avoir plus rapidement et plus facilement une bête mention marginale sur mon extrait d'acte de naissance ou encore un passeport au nom de madame. Tiens au fait, en parlant de passeport, il paraît que les trans ne peuvent pas voyager à l'étranger à cause de ça, que vu que leur apparence ne correspond pas à leur identité, tout ça...mon cul ! A part le glandu à Orly qui a voulu faire du zèle et que j'ai remis à sa place, je n'ai jamais été emmerdée pour passer la frontière, il suffit juste que la photo corresponde et basta, et même avec un passeport biométrique. Après tout, c'est la même chose si t'es imberbe alors que sur la photo de ta pièce d'identité tu as une barbe à la ZZ Top. Et pour en revenir à ce que je disais plus haut, c'est sûrement pas la perspective d'un F sur ma carte d'identité qui m'aurait fait faire une telle chose si ça n'avait pas été ce que je voulais. Les transsexuelles se sont fait "vampiriser" par les transgenres...manquerait plus que Conchita Wurst milite pour que les trans gardent la barbe, qui est un attribut tout aussi féminin qu'une bite, comme chacun sait. Qu'il y ait des amateurs de l'entre-deux mondes, je critique pas, et si des transgenres veulent qu'on les appellent "madame" malgré le tuyau de pompe à essence qu'elles ont entre les cuisses, là aussi je m'en cogne, mais que chacune reste dans sa catégorie et n'aille pas demander des trucs au nom des autres. Déjà que les gens ont du mal à bien comprendre toutes les subtilités de la transidentité, alors avec ce genre de revendications c'est pas gagné ; c'est comme le fait d'avoir été placées avec les LGB, alors que les trois premières catégories parlent d'orientation sexuelle qui n'a aucun rapport avec l'identité sexuelle...quoique maintenant c'est un peu comme l'Europe élargie, vu qu'on ne dit déjà plus LGBT mais LGBTQIAH, pour Lesbiennes, Gays, Bis, Trans, Queers, Intersexués, Asexuels et Hétéros, te dire un peu l'auberge espagnole que tout ça est devenu.

Enfin bref, j'en reviens donc à ma grève surprise, et comme d'habitude c'est encore ma puce qui va gérer la crise car j'avoue que mon capital diplomatie est complètement tari, selon le principe des vases communiquant. Elle plaide mon cas face à l'avocate chargée de me représenter, ce qui doit constituer une première en soi, et le plus beau c'est qu'elle remporte l'adhésion du jury et celle du bâtonnier puisque mon affaire passera à titre exceptionnel comme c'était initialement prévu. Quand je disais que sous son apparence fragile elle est capable de porter le Monde, ma petite femme. C'est ainsi que le lendemain nous nous présentons à l'audience, en évitant les médias qui se sont déplacés pour couvrir l'événement (pas mon audience hein, tout le monde s'en fout, mais le mouvement de grève des avocats). On arrive dans la salle du Conseil dans laquelle trois magistrats nous font face, ainsi que le bâtonnier qui va déposer le préavis, deux ou trois avocats, et un couple qui vient pour une adoption. Renvoi d'une dizaine de dossiers à une date ultérieure et puis arrive notre tour.

Le président appelle le demandeur, à savoir moi, en ces termes : "Monsieur Olivier ***, dans le cadre d'une affaire de changement de genre et d'identité" puis il scrute la salle pour voir si je suis là ou pas. Je lève le doigt en disant "c'est moi" et aussitôt il rectifie le tir et me donne du "madame", ce qui augure assez bien la suite des débats. Il me pose les questions classiques sur le pourquoi du comment, si ça se passe bien au boulot (lol), si on a des enfants, un abonnement Canal plus et le gaz à tous les étages. Puis il s'adresse ensuite à mon p'tit sucre, "vu qu'il existe un fort lien matrimonial entre nous" et qu'il voudrait bien savoir si elle est au courant et ce qu'elle en pense. Et là elle se met à expliquer...tout, les années passées, les doutes, les questions, les souffrances, notre couple, les autres, la Vie, du moins la nôtre. Elle, si réservée d'ordinaire, plus rien ne l'arrête à présent, elle parle et parle encore devant ces inconnus revêtus de leurs atours de justice, elle raconte nos 16 ans de vie commune, nos 13 ans de mariage, son amour pour sa Caro dont elle ne peut occulter la vie d'avant, "notre" transition, et puis surtout la perspective de cette nouvelle vie à deux, dans laquelle nous n'aurons plus à nous justifier de quoi que ce soit ni à supporter la bêtise et l'incompréhension des autres, si ce ne sont les regards désapprobateurs à l'encontre de deux femmes ensemble. Bienvenue en 2014.

Moi je la regarde avec les yeux de Chimène tandis qu'elle poursuit sa plaidoirie, bien mieux que l'avocate qui se contente d'énumérer les pièces de mon dossier, le protocole, mon opération, ma reconnaissance officieuse au boulot...tant et si bien qu'à la fin la procureure "outrepasse" le cadre de l'affaire puisqu'elle dit au président : "nous avons là en plus un vrai couple qui s'aime". Ah non hein, pas le moment de lâcher une larme, malgré l'émotion qui me submerge, parce que punaise oui je l'aime ma femme, et elle donc, avec tout ce qu'elle endure et que je lui fais subir, et je pense que plus que tous les certificats, toutes les opérations, tous les protocoles, c'est cet amour dont elle déborde qui aura marqué le plus les juges, et qu'après ça il n'y a plus rien à rajouter. Ou plutôt si, que ma demande est non seulement conforme et fondée mais qu'elle est validée et entérinée par le tribunal, parce qu'il y a encore des gens intelligents et humains dans ce pays, malgré toutes les manifs de la honte et la haine qui est ressortie du bois ces derniers mois. Et ces gens intelligents et humains ont décidé "qu'à compter de ce jour, à 9h30, en lieu et place du présent" ils allaient enfin offrir un avenir à Carolyne Olivia Annie qui ne sera plus un simple "concept" mais une personne réelle avec une existence légale.

Voilà, c'est fait, ça aura duré une vingtaine de minutes, accouchement sans douleur après une gestation de...je préfère penser à autre chose, rien ne doit ternir cette journée. Exit Olivier donc, divorce à l'amiable, séparation de corps et de biens, t'étais un gentil gars mais on ne pouvait plus vivre ensemble, c'était devenu impossible et ça aurait fini par nous détruire. Mais Lyne et moi on t'aimait bien et on ne t'oubliera pas, parce qu'on sait à quel point tu en as chié toutes ces années, on gardera quelques photos parce que ce n'était pas ta faute et que tu ne savais pas où trouver de l'aide, et puis c'est aussi un peu grâce à toi si on a pu se rencontrer toutes les deux, alors rien que pour ça, merci du fond du cœur.

Ciao mon poteau !

Solexine et Ganja

Je cherche un hélico pour me déconnecter
pour faire sauter les plombs de la boîte à fausse-donne
Je cherche un hélico quelqu' part pour me tirer
mais j'crois bien qu'les Martiens
m'appellent sur l'interphone
Ganja !

Le blues m'a délatté(e) mais c'est sans importance
quand la bière est tirée il faut finir son pack
Le blues m'a délatté(e) et je trinque en silence
J'fais de l'auto-combustion tout(e) seul(e) dans mon half-track
Ganja !

Et j'traîne dans la galerie en grillant mes traumas
J'en veux à la première qui m'a laissé tomber
Et j'traîne dans cette galerie où ma mère me chanta
no love today bébé my milk is gone away
Ganja !

J'ai mon capteur qui sonne et mes pieds qui s'enfoncent
J'oublie toujours le nom de ces villes où j'suis né(e)
J'ai mon capteur qui sonne et j'ai le cœur qui bronze
J'ai fini par fumer ma carte d'identité
Ganja !

Ma tête a éclaté d'un r'tour de manigoince
moi j'voulais bourlinguer sur cumulo-nimbus
Ma tête a éclaté bonjour l'homo sapiens
si t'as peur de t'mouiller retourne à ton fœtus
Ganja !

Je suis dans l'atelier de Hiéronymus Bosch
avec les yeux drapés de lapis-lazuli
Je suis dans c't'atelier mais il faut que je décroche
les anges font des cauchemars au fond du paradis

Les sergents-recruteurs me demandent au parloir
avec des mégaphones pour compter les élus
Les sergents-recruteurs me jouent le jour de gloire
mais moi j'suis mongolien(ne), chromosomes inconnus
Ganja !


Paroles & musique : Hubert Félix THIEFAINE
Que j'te raconte...attend...

Tu te souviens de mes pérégrinations depuis le début ? T'as vu comme c'est farce la vie des trans, qu'entre les années passées au placard à se demander ce qu'on a et ce qu'on est, à vivre d'expédients vite expédiés, à se fourvoyer dans des trucs avec lesquels tu penses tuer le temps "en attendant", alors qu'ils te font juste oublier que c'est lui qui te tue peu à peu et à petit feu, à la vicelarde, à la sournoise, et qu'ensuite, quand tu crois avoir enfin trouvé la voie, tu auras tellement de saloperies qui te tomberont dessus tous azimuts, ben je te jure que ce n'est pas une sinécure. Avis aux amateuses ! Quoi, on dit amatrices ? Ce que tu peux être tatillon(ne), des fois...

Donc, que je te dise...un peu plus de trois ans sous hormones, tu penses qu'il y a eu des changements notables tout de même. Paraît que ma voix s'est un peu adoucie, sauf quand je m'énerve, mes traits se sont affinés, mes seins, je t'en parle même pas, et si tu te souviens à quoi ressemblait Evelyne Bouix avant d'avoir été refaite, alors tu as pratiquement mon portrait craché. Je te dis ça les yeux dans les yeux, comme Cahuzac avec son compte (est bon) ou comme toutes ces mythos dont on peut lire les "témoignages" sur le net ou ailleurs. M'est avis qu'elles ont confondu les pilules hormonales avec les cachets d'Alka Seltzer pour (m')avoir gonflé autant.

Cadeau, je vous le donne Emile, tout ça ce sont des conneries, tout comme l'hymen qui pousse après ou le risque de tomber enceinte. Pour le premier il est important de bien faire ses dilatations, ça évite ce genre de confusion, et pour le second...comment dire...quand on vous dit qu'un suivi psy est recommandé, ou alors faut arrêter d'aller en pèlerinage à Lourdes. Du coup j'ai bien été obligée d'en passer à nouveau par la chirurgie, parce qu'entre mes deux œufs au plat et ma tronche d'ancien de la manécanterie des petits chanteurs à la gueule de bois, il allait falloir se lever tôt pour qu'on me confonde avec Evelyne, et puis Pierre Arditi c'est pas trop mon type de femme (paraît que j'ai vraiment un faux air, sans rire...pas d'Arditi, hein).

J'ai alors pris rendez-vous avec un éminent spécialiste (un de plus) qui opère à Paris et qui devrait m'arranger ça aux petits oignons. Bon, il a l'air sympa et jouit (le veinard) d'une bonne presse auprès de la communauté trans, et puis même s'il ne jouissait pas, c'est pas ce que je lui demande de toutes façons. A nouveau des tonnes d'examens pré-opératoires, je me fais tirer le portrait sous tous les angles, en 3D et en gévéacolor (l'argentique c'est fantastique...), et puis on fixe la date pour l'intervention combinée chirurgie faciale - mammoplastie.

Pour cette dernière, et vu que je remplis les critères (c'est à dire que pour les remplir il faut justement ne pas remplir, c'est farce, je trouve), une demande d'entente préalable auprès de la sécu devrait m'octroyer la prise en charge, toujours ça de moins à débourser. Je suis néanmoins convoquée par le médecin conseil de l'assurance maladie qui confirme que je ne remplis pas et donc que je remplis (attend, tu vas voir, ça se complique encore un peu ensuite...te lève pas pour aller pisser ou tu ne vas plus rien comprendre en revenant si t'en as raté une partie).

"L'ennui c'est qu'il y a un os" me dit le toubib. "Ah bon, lequel ?" m'enquiers-je aussitôt auprès de lui. "Votre carte de sécurité sociale commence toujours par 1 et votre état civil n'a pas encore été modifié. Si vous aviez fait cette demande en tant que femme et avec un 2, celle-ci aurait pu être prise en considération, mais dans le cas d'espèce..." (cas d'espèce, cas d'espèce, tu vas voir si j'ai une gueule de cas d'espèce). Bon je lui bonnis les formalités d'usage, comme quoi je suis sous ALD31, dans le cadre d'un programme de changement de sexe, tout ça, et je lui fais bien comprendre l'inanité de sa remarque en lui faisant remarquer qu'à ce compte là un mec n'a pas vraiment besoin non plus de vaginoplastie (faut être logique), et que s'il fallait attendre le changement d'état civil pour se faire opérer, quand dans le même temps la plupart des tribunaux exigent cette opération pour se prononcer sur ce changement, on risquerait d'attendre jusqu'à la Sainte Conchita Wurst, celle qui a une barbe, comme Sainte Wilgeforte (mais qui elle n'a pas gagné l'Eurovision...demande à Boutin, elle te dira).



Quand je te dis qu'ils font rien qu'à m'embêter, tu me crois maintenant ? En plus j'enrage quand je pense à toutes celles qui ne veulent pas se faire réassigner sexuellement mais pour qui ce type d'opération est prise en charge en deux coups les gros (les très gros même, parfois). Je ressors, la queue entre...enfin dépitée quoi, non sans lui avoir dit que je n'étais plus étonnée, à force, qu'il y a vraiment une médecine à deux vitesses et que j'ai la malchance de toujours être au point mort en ce qui me concerne. Tu comprends mieux le choix de la chanson d'Hubert quand tu décortiques les paroles, c'est tout moi je te dis, fallait pas que j'essaye des substances improbables. Et puis en fin d'après-midi le miracle se produit : coup de bigo à la maison et on m'annonce que finalement, tout bien considéré et eu égard à ce que tu veux, la sécu accepte l'entente préalable. Faut quand même toujours se battre pour le moindre truc, c'est fatigant à la longue.

Le 29 avril je rentre donc à la clinique et j'en ressors le lendemain matin, momifiée encore une fois, qu'on dirait un lapin crétin de Pâques, et avec un bandeau ultra serré pour maintenir deux protubérances qui tendent le tissu de ma robe (pourtant je l'avais prise large). En fait j'ai toujours des œufs au plat mais ce sont maintenant des œufs d'autruche, pour te donner une idée. Mais pour tout t'avouer, c'est pas la joie, j'ai mal partout, un peu comme si un bus m'était passé sur le buste, et les cicatrices sous les aisselles m'obligent à adopter l'attitude de quelqu'un qui aurait des oursins sous les bras, ce qui ne poserait aucun problème à un fort des halles, mais qui est totalement incongru quand tu as une petite robe à pois. Heureusement j'ai mon ami d'enfance qui est venu me chercher en voiture à la sortie et qui va s'occuper de moi avec sa fille, le temps qu'on m'enlève les pansements lors de la première visite de contrôle, une semaine après.

Là, le chirurgien paraît satisfait, même si tout n'est pas encore bien en place, mais ça prendra du temps et on se revoit dans six semaines. Quant au visage, il m'explique en gros qu'il m'a raboté le front, les arcades, qu'il a descendu le "scalp" d'environ deux centimètres, me laissant une cicatrice à la base des cheveux et de chaque côté du crâne qui ferait pâlir de jalousie la créature du Dr. Frankenstein. Je repasserai plus tard pour la deuxième couche, à savoir le nez, les pommettes, plus deux ou trois trucs techniques, qu'il n'a pas pu faire en même temps que le reste car ça aurait entrainé trop d'hématomes et de risques de complications. C'est vrai qu'en parlant d'hématomes, je peux d'ores et déjà m'inscrire au prochain concours de zombies, et tout ça sans maquillage, espère. J'ai la tête comme un compteur bleu, les paupières violettes et tellement gonflées qu'il faudrait que je songe à me munir d'une canne blanche, une énorme trace de strangulation comme dans les films policiers, plus toutes les couleurs de l'arc-en-ciel sur le visage, comme si j'avais dormi sur le rainbow flag alors qu'il venait d'être repeint.

C'est sûr que là je ne passe plus inaperçue, ce qui me donne même une idée amusante pour dédramatiser tout ça. Lorsque mon pote et sa fille me ramènent à la maison et qu'on fait une petite halte dans un resto familial, l'idée me vient de le faire passer pour mon mari (j'ai toujours eu des idées à la con). Et au moment où la serveuse se radine avec les plats, je m'adresse à sa fille en lui disant : "Ma chérie, tiens-toi bien à table ou sinon ton père va encore se fâcher et c'est maman qui va encore prendre." La salle étant pleine d'habitués, je te dis pas l'effet produit, mais avant que mon pote ne se fasse lyncher, j'ajoute à l'attention de la serveuse : "Je plaisante hein, je suis juste tombée dans l'escalier." Du coup on n'a pas pris de cafés...

Syndrome Albatros

Clown masqué décryptant les arcanes de la nuit
dans les eaux troubles et noires des amours-commando
Tu croises des regards alourdis par l'oubli
et des ombres affolées sous la terreur des mots
Toi qui voulait baiser la Terre dans son ghetto
tu en reviens meurtri, vidé par sa violence
et tu fuis ce vieux monstre à l'écaille indigo
comme on fuit les cauch'mars souterrains de l'enfance
De crise en délirium, de fièvre en mélodrame
franchissant la frontière aux fresques nécrophiles
tu cherches dans les cercles où se perdent les âmes
les amants fous, maudits, couchés sur le grésil
Et dans le froid torride des heures écartelées
tu retranscris l'enfer sur la braise de tes gammes
Fier de ton déshonneur de poète estropié
tu jouis comme un phénix ivre mort sous les flammes
Puis en busard blessé, cerné par les corbeaux
tu remontes vers l'azur flashant de mille éclats
Et malgré les brûlures qui t'écorchent la peau
tu fixes dans les brumes Terra Prohibida
Doux chaman en exil, interdit de sabbat
tu pressens de là-haut les fastes à venir
comme cette odeur de mort qui précède les combats
et marque le début des vocations martyres
Mais loin de ces orages, vibrant de solitude
t'inventes un labyrinthe aux couleurs d'arc-en-ciel
Et tu t'en vas couler tes flots d'incertitude
dans la bleue transparence d'un soleil torrentiel
Vois la fille océane des vagues providentielles
qui t'appelle dans le vert des cathédrales marines
C'est une fille albatros, ta petite sœur jumelle
qui t'appelle et te veut dans son rêve androgyne...
Dingue, hein ? Et encore, t'as pas tout vu. Oui, je te tutoie, depuis le temps qu'on ne se connaît pas, que tu te coltines mes élucubrations sur écran glacé et papier tactile (t'as l'bonjour d'Emma, si tu connais la pub en rapport, et si tu ne la connais pas, tiens, cadeau).





Attend, dis, sérieux, tu sais que tu mérites une médaille ? Parce qu'à me suivre comme ça dans mes délires, ça force le respect, c'en est même bouleversant d'humanité, cette putain d'humanité qui semble tant faire défaut à bon nombre de mes semblables...enfin semblables, j'me comprends, parce que si on partage la même planète, on n'est clairement pas du même monde. Si je te disais tout ce qu'ils s'ingénient à trouver pour me faire chier, et toujours en loucedé, hein, car le truc en commun qu'ils ont avec les serpents qui sifflent sur ma tête, c'est qu'ils n'ont pas de couilles (du coup ils ont en commun un truc qu'ils n'ont pas, j'aime bien le concept). Mais on ne va pas utiliser la bande passante pour parler des cons. Attend, je tire la chasse...voilà, on peut continuer.

Bon alors que je te dise, et pour en revenir au titre, t'as déjà vu des albatros ? Autant c'est gauche et un rien concon sur les bords quand ça décolle ou que ça se pose, mais alors une fois en vol c'est magnifique. J'aurais pu tout aussi bien te sortir la bonne vieille métaphore du vilain petit canard qui deviendra un vilain grand cygne, mais je préfère l'albatros, fidèle et romantique, et puis si t'as lu Baudelaire et ce qu'incarne pour lui l'albatros (la dualité de l'Homme, pour faire court), et que tu es sensible à la poésie de mon chanteur préféré, je n'avais pas d'autre choix. Tiens, prend quelques instants pour t'imprégner du texte, en percevoir les allusions, en comprendre les sens cachés, en apprécier les métaphores, et tu as pratiquement l'histoire de ma vie.

Sinon, pour le reste, ça avance doucement. Je travaille chaque jour en jupe au boulot, parce que je me dis qu'à force d'avoir une vision plus féminine de moi, les gens finiront par se faire à l'idée à la longue, et puis de toutes façons un mec ne se met pas en jupe, à part un écossais peut-être. J'imagine ça comme une sorte de conditionnement : quand la minorité est visible au quotidien, elle finit par faire partie du paysage et devient alors partie intégrante de la majorité, jusqu'à ce qu'on oublie même qu'elle ait pu être un jour une minorité. Oh, je ne me leurre pas trop sur ça mais on peut toujours rêver, et puis j'ai même quelques collègues masculins qui me font la bise, et ça c'est génial et c'est courageux de leur part, car j'imagine que ceux "qui ne sont pas transphobes mais..." doivent aussi les regarder comme des bêtes curieuses. Bravo et merci, les gars, ce sont des gens comme vous qui me donnent encore foi en l'être humain, parce que depuis trois ans que j'en prends plein la gueule de la part du petit noyau dur d'imbéciles, franchement ça me met du baume au coeur.

Quant à mon état de santé, c'est pas très joice, je dois l'avouer. Fatiguée et parfois déprimée, à cause des hormones hein, on va dire ça comme ça, que sinon ça va m'être encore reproché (et puis ça leur ferait trop plaisir). Du coup j'ai pas mal de toubibs à consulter, à la fois pour le suivi ou l'entretien, mais ça m'oblige à de fréquents déplacements sur Paris ou ailleurs (rien que pour trouver un gynéco dans ma région c'est du sport). Mais bon, ça me fait voir du pays, et puis des fois ça me fait vivre des situations cocasses, comme lors de mon dernier voyage par exemple. T'as cinq minutes ? Je te raconte :

Timing serré entre deux rendez-vous à Paris, je tombe en plein sur une manifestation de sans-papiers, qui m'oblige à adopter une allure d'escargot. Je ronge mon frein à force d'appuyer dessus et, désespérée à la vue des précieuses minutes qui passent, je me dis comme ça : "Pffff...'font chier, ces cons !"
Je parviens enfin à quitter le trajet emprunté par le cortège et au premier feu rouge, un lavedu en scooter, qui a dû m'entendre à cause de la vitre ouverte, se pointe à ma hauteur et me sort : "Madame, il faut leur donner des papiers." Qu'est-ce qu'il vient me casser les...enfin bref, j'me comprends... Je lui réponds, avec l'air d'en avoir deux, que c'est pas le jour pour me faciliter le transit intestinal, et que moi non plus je n'ai pas de papiers, et que je n'en fais pas tout un fromage (à la louche, je passe sur les détails). Stupeur et incrédulité du type qui me rétorque par deux fois : "Je ne vous crois pas, vous êtes une femme blanche donc vous avez des papiers."
Bon ok, j'adore le sous-entendu raciste au passage, et comme le feu va bientôt passer au vert et qu'en 15 secondes il est humainement impossible de lui expliquer ce qu'est la dysphorie de genre et les conséquences qu'elle implique, et surtout que j'ai autre chose à foutre, je me fends d'un bref : "Bon écoute, bonhomme, je suis un mec !"
Là le type manque de tomber de son engin (au risque de me rayer la portière, ce con) et répète, avec l'air pénétré d'une poule qui aurait trouvé une boîte de préservatifs : "Un homme en robe ???!!!"
Feu vert ! J'écrase (rageusement) l'accélérateur vu que je suis à la "bourre" (en même temps on n'est pas loin du 36 quai des Orfèvres, pour ceux qui connaissent Paname), et je le laisse méditer sur tout ça en lui lançant un : "Ca te la coupe, hein ? Allez, ciao !" et d'un coup de saveur au rétroviseur je le vois se prendre le casque à deux mains et rester prostré dans la position du fœtus, tentant sans doute d'extraire le démon qui est entré dans sa tête par son conduit auditif.
Des fois je suis vraiment une peste...et en même temps faut pas non plus trop me chercher en ce moment, va savoir pourquoi...

A propos des papiers, mon dossier complet est chez l'avocat, plus qu'à attendre la date de l'audience au tribunal mais bon, pour moi c'est moins urgent que pour d'autres, vu que je ne suis pas en recherche d'emploi. Néanmoins c'est important, même si pour moi le plus important était mon opération, et sur ce plan là c'est magnifique, ça aussi c'est ce qui me fait tenir, quand je vois les résultats chez certaines (pour un peu je pourrais croire qu'il y a une justice immanente...si je n'étais pas athée).

Ah et puis si, il y a une belle chose qui m'est arrivée. Un soir de pluie j'ai fait la connaissance d'une sœur, une femme magnifique avec un cœur gros comme ça, et on s'est liées d'amitié, une vraie amitié, sincère et authentique, et elle je sais qu'elle ne me décevra pas. Comment dire, une petite sœur albatros elle aussi, une danaïde, tu vois ? Elle n'a pas tué son mari (comme les danaïdes de la mythologie grecque), c'est juste une image, mais elle est géniale, ma danaïde, et je suis très fière d'être son amie. Elle est plus jeune que moi mais elle incarne la grande sœur idéale que tout le monde aimerait avoir, et le seul reproche que je pourrais lui faire c'est de laisser un grand vide chaque fois qu'on doit se quitter. Surtout que tu sais quoi ? Elle est (re)née le même mois que moi, alors avec ta permission je vais lui dédier la chanson de mon article, tout en lui faisant un énorme câlin...



Autoroutes, jeudi d'automne

"Elle m'envoie des cartes postales de son asile
m'annonçant la nouvelle de son dernier combat
Elle me dit que la nuit l'a rendue trop fragile
et qu'elle veut plus ramer pour d'autres Guernica
Et moi je lis ses lettres le soir dans la tempête,
en buvant des cafés dans les stations-service,
et je calcule en moi le poids de sa défaite,
et je mesure le temps qui nous apoplexise,
et je me dis stop
Mais je remonte mon col, j'appuie sur le starter,
et je vais voir ailleurs, encore plus loin ailleurs

Et je croise des vieillards qui font la sentinelle
et me demandent si j'ai pas des cachous pour la nuit
Je balance mes buvards et tire sur la ficelle
pour appeler le dément qui inventa l'ennui
Et je promène son masque au fond de mes sacoches,
avec le négatif de nos photos futures,
Je mendie l'oxygène aux sorties des cinoches
et vends des compresseurs à mes ladies-bromure
et je me dis stop
Mais je remonte mon col, j'appuie sur le starter,
et je vais voir ailleurs, encore plus loin ailleurs

Il est bientôt minuit mais je fais beaucoup plus jeune
Je piaffe et m'impatiente au fond des starting-blocks
Je m'arrête pour mater mes corbeaux qui déjeunent
et mes fleurs qui se tordent sous les électrochocs
Et j'imagine le rire de toutes nos cellules mortes,
quand on se tape la bascule en gommant nos années,
j'ai gardé mon turbo pour défoncer les portes,
mais parfois il me reste que les violons pour pleurer
et je me dis stop
Mais je remonte mon col, j'appuie sur le starter,
et je vais voir ailleurs, encore plus loin ailleurs."




Ailleurs, de l'autre côté du miroir, over the rainbow, telle une Judy Garland du Magicien d'Oz, j'ai voulu aller voir ce qu'il y avait ailleurs, alors je l'ai remonté mon col, et pour aller loin j'y suis allée, aussi loin que j'ai pu. M'a fallu en traverser des précipices, franchir des obstacles que je croyais insurmontables, en surmonter des saloperies qui me tombaient dessus tous azimuths. Le Magicien d'Oz...tu parles d'un conte de fées, d'un conte défait plutôt...passant du Wizzard of Oz à Zardoz, le film éponyme avec Sean Connery. Me restait plus qu'à faire tomber les masques de pierre de tous les faux nez que j'ai pu rencontrer pendant mon parcours initiatique, à première vue ça impressionne mais tout ça n'est que façade :



Un bon coup de K2R détachant avant lavage, un peu de lessive St Marre en paillettes, et les taches disparaissent...un dernier cycle de rinçage, après le raviveur de couleurs et l'assouplissant, et le rêve aura retrouvé l'éclat du neuf. Bon ok ça consomme beaucoup d'eau mais après tout ce n'est rien que de l'eau, de l'eau de pluie, de l'eau de là haut, et comme disait ma grand-mère : "pleure, tu pisseras moins". On n'est jamais trahi que par les siens après tout, vu que les autres on les a vu venir avant.

En attendant, tout ça n'arrange pas trop mes bidons, je dois le reconnaître, surtout que depuis mon opération ma vie se résume à passer mes journées sur le canapé du salon, entre les programmes lénifiants et insipides de la télé qui rend con, les dilatations quotidiennes, les soins post-opératoires qui me font voyager jusqu'à la salle de bains, le soleil que je ne vois qu'à travers la fenêtre et dont je ne peux pas profiter (c'est con, on avait un bel été). Dis, j'en viendrais presque à regretter tout ce que j'ai fait jusque là, et avec les feuilles mortes qui commencent à se ramasser à la pelle, c'est moi qu'on risque de ramasser à la petite cuiller bientôt. Tout ça pour ça, c'était bien la peine, tiens, plus goût à rien, plus d'envie, plus d'énergie, et mon pauvre ange qui se lamente de me voir ainsi...fallait pas rêver trop fort, la vie ne pardonne rien, fin de la leçon !







Au point où j'en suis à ce moment là, un peu plus, un peu moins, qu'est-ce que ça change ? Allez, on retourne voir du côté du virtuel. Sur cette autoroute hystérique qui m'a conduite chez les mutants j'ai troqué mon cœur contre une brique et mes espoirs contre des lavements (tu sais, le truc à la Bétadine que tu t'injectes sans te fendre la poire, forcément, que sinon tu ne peux plus te l'injecter ensuite). Après tous ces avatars je retrouve celui que j'avais laissé de côté pendant près de deux ans, histoire de ne pas polluer la scène du "crime" que je m'apprêtais à commettre alors. Je l'aime bien, ma Lillith virtuelle transgénique, polythérapeute à ses heures, ou sextoy, c'est selon, trônant au milieu de son petit club où se côtoient tout ce que ce petit monde onirique compte comme trans, lesbiennes, et autres "anormalités" du sexe et du genre. Et si je ne lui ressemble pas physiquement, quelque part elle est cette partie de moi d'une époque révolue et d'un avenir incertain (et puis elle me coûte moins cher en chirurgies de toutes sortes). Tiens, elle me fait penser à cette autre chanson de mon ami Hubert, qu'avec un peu d'imagination vous pourrez vous faire une idée de ce à quoi elle ressemble et du rôle qui lui a été dévolu...c'est qu'elle connait la poloche, la gueuse :


"Y’a toujours un cinglé au bout de son trimard
qui se crame les yeux sur un ours en chaleur
du côté de ces nuits où s'enfuit le hasard
avec les doigts collés de foutre et de sueur

Y’a toujours un taxi qui se perd dans la brume
avec une reine morte en pâture aux fantômes
et de vieux corbeaux rances en marge du bitume
qui s'en viennent crever au détour de ta zone
Lilith ! oh Lilith

Y’a toujours un pingouin qui souffle ses poumons
à travers un saxo branché sur du mélo
et des gosses exilés qui maquillent ton nom
sur les fiches-transit d'hôtels hallucinos

Y’a toujours un pigeon qui s'envole en fumée
dans les couloirs visqueux d'un vieux rêve-agonie
et des cigares bandants sur les lèvres flippées
de dieux défigurés maquillés par tes nuits

Lilith
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs roussis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
tu sais comment, comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes :
une p'tite canette, une p'tite fumette
une reniflette, une seringuette
une bonne branlette
et puis ciao, dodo !

Y’a toujours une frangine qui se noie dans ses nerfs
au fond d'une arrière-salle d'un vieux boxon crado
et d'autres qui s'en vont respirer le grand air
sur une plage à Hambourg, à Belfast ou Glasgow

Y’a toujours un clébard de bar unijambiste
qui largue ses sachetons dans les WC pour dames
et des gonzes un peu raides au bras de vieilles groupies
qui dégueulent en riant leur Canigou on ice

Lilith
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs roussis

Tu marches nulle part à genoux sur mes rames
avec des souvenirs à tringler du bourrin
tu descends le quartier où les mômes jouent aux dames
et me font voir la came dans le creux de leurs mains
Mais j'ai perdu l'adresse des autres solitudes
à contempler la noille dans les yeux des passants
Souvent t'en as croisé au bord de l'hébétude
qui ne pouvaient dormir sans leur dose de sang

Lilith !
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs finis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
tu sais comment, comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes
Tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs finis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
tu sais comment, comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes :
une p'tite canette, une p'tite fumette
une reniflette, une seringuette
une bonne branlette
et puis ça joue ! ça jouit !




Ca y est ? Tu mords le topo ? Polythérapeute, que je te dis, et tout ça sans entamer le trou de la sécu en plus...docteur "déshonoris causa" de la faculté d'IMVU, me reste plus qu'à trouver une jolie plaque de cuivre. Et puis bon, tout ça a un je ne sais quoi de pathétique mais je m'en tamponne (maintenant je peux en plus, on n'arrête pas le progrès, et ça se voit moins qu'un protège-slip), et puis ça me passe le temps pendant mes dilatations, plutôt que de contempler le plafond en attendant, jusqu'à ce fameux jeudi d'automne (punaise, Hubert, mais tu les as toutes écrites pour moi, c'est pas possible autrement, dis ?)

Que je t'explique : t'as vu comme le travail a été bien fait en Thaïlande, que les moindres détails y sont et tout à l'avenant...ah t'as pas vu ? Ben imagine (bien essayé), sinon va faire un tour sur le site du chirurgien qui s'est occupé de moi et tu cliques ensuite sur "Galeries SRS", t'auras le résultat en images et en couleur en plus...vas-y, je t'attends...quoi, il te faut le lien en plus ? Bon...j'espère que t'es majeur(e)...tiens :

http://www.chet-plasticsurgery.com/sex-reassignment-surgery-example-result-by-dr-chettawut-case-1/



...ça y est, t'as vu ? Je peux continuer ? Ok. Donc, au bout de 4 mois de soins intimes aussi agréables que lorsque ta femme se rend chez son gynéco pour son frottis annuel (tu lui demanderas, elle t'expliquera, et si t'es avec un mec, ben parle-lui de son toucher rectal en pleine crise hémorroïdaire)...j'ai perdu le fil, avec mes conneries...ah oui, ça y est. Donc, vu la gène et les douleurs occasionnées lors de ces diverses manipulations, j'étais comme qui dirait un peu désappointée quant à mon futur épanouissement sexuel, parce que si j'avais voulu rentrer dans les ordres j'aurais choisi d'autres voies (demande aux bonnes sœurs ou aux enfants de chœur...quoique à y regarder de plus près...enfin bref). De plus, tant que tout n'était pas bien cicatrisé, fallait pas trop y toucher. Tu ajoutes à cela une certaine appréhension tout de même, parce que, contrairement aux idées malsaines qu'on me prête (et que je garde pour moi sans les rendre), ben je reste impressionnée par tout ça et je n'ose même pas y toucher, tellement c'est too much.

Oh, j'ai bien essayé deux ou trois fois, par curiosité j'avoue, mais c'était tellement sensible que c'en était tout de suite agaçant et même en me donnant l'air d'avoir l'air, généralement au bout de dix secondes je lâchais l'affaire, et puis pour ça il faut être "dans le mood" comme on dit, et comme à chaque fois que je m'empale c'est juste médical (tiens, je pourrais faire concurrence à Frigide machin, avec un titre aussi naze, ça vaut bien son "fait-moi l'amour avec deux doigts", la conne), inutile de dire que pour le grand air de l'acmée, on verrait ça plus tard...ou jamais. C'est ainsi que, ce fameux jeudi d'automne, alors que j'avais une fois de plus emprunté le "highway to Hell" et que je me trouvais simultanément dans mon salon et dans mon autre salon virtuel (grâce à internet j'ai le don d'ubiquité), ma femme dans la vraie vie, accompagnée de son propre avatar dans l'autre, est arrivée près de moi (en fait je commençais à m'endormir, le temps est long quand on ne peut rien faire d'autre qu'attendre que ça se passe).

Du coup ça m'a réveillée...je suis encore gênée lorsque je fais mes "exercices" quotidiens et qu'elle me voit dans des postures que d'aucuns (les cons) qualifieraient d'équivoques...je voudrais les y voir, le frifri en éventail et un huitième de manche à balai en guise de bâton d'esquimau...m'est avis qu'ils auraient eux aussi du mal à s'assoir les jambes serrées, alors poupouille. Bref, elle s'enquiert de savoir si tout va bien...pas pire que d'habitude...et me caresse doucement la tête en prenant ma main dans la sienne. Je réprime un sanglot...j'en ai tellement marre de lui imposer cette déchéance morale et physique depuis des semaines. Sa main quitte mes cheveux et elle vient poser son index sur ma bouche en me disant "chut, ma Caro, je t'aime"...Angélique, ce pseudo lui va si bien... J'embrasse son index, timidement, en fermant à demi les yeux, puis elle le promène sur mes lèvres et mes baisers deviennent plus insistants. J'ai envie de me laisser aller à sa tendresse, à son amour qu'elle me manifeste jour après jour, au delà de tout ce que j'aurais pu imaginer lorsque je l'ai rencontrée.

Alors je m'enhardis, ma bouche happe son index, mes lèvres s'enroulent autour de lui dans un lent mouvement de va et vient, fellation improbable mais ô combien délicate et sensuelle. Tout en lui prodiguant cette caresse, je plonge mes yeux dans les siens, guettant le moindre battement de cils. Elle répond à ma prière muette par un sourire indulgent, puis sa main abandonne la mienne et elle vient me caresser la joue, avant de descendre lentement vers mon cou. Puis elle poursuit son exploration et part à la rencontre de mes seins. Je sens la chaleur de sa paume à travers le tissu léger de mon petit haut, ses doigts mutins qu'elle promène nonchalamment sur mes tétons que je sens durcir et poindre. Elle sait depuis des années déjà que cette partie de mon être est très sensible, bien plus encore qu'avant depuis les hormones. Elle retire alors son doigt de ma bouche et me murmure "attend, ma puce" avant de venir coller ses lèvres aux miennes, puis m'embrasse tendrement, tandis qu'elle remonte mon haut de ses deux mains et finit par me l'enlever entièrement, laissant apparaître mes seins dans leur plus simple appareil. Ne me laissant aucun répit, elle s'empresse alors de les caresser à nouveau de ses mains expertes, merveilleux et divin massage, savant mélange de palper rouler, ses mains qui se font nid douillet et pigeonnant, ses doigts entre lesquels elle roule et roule encore mes tétons, ses doigts dont la pulpe vient effleurer leurs aréoles, à la limite du supportable parfois.

Et puis elle remonte une de ses mains et vient caresser ma joue, fourrage dans mes cheveux, tandis qu'elle me fixe de son regard si doux et qu'elle a toujours ce tendre sourire énigmatique et bienveillant au coin des lèvres, douce et blonde Joconde dont un Léonard de Vinci aurait pu s'inspirer. Alors, tout en continuant de me regarder, elle descend lentement son visage à hauteur de ma poitrine frémissante, et sa bouche vient recueillir tour à tour mes seins, le disputant à sa main qui continue ses caresses. C'est chaud, c'est doux, je sens sa langue dardée qui les titille l'un après l'autre, en alternance, ses lèvres qui aspirent mes mamelons, elle s'est mise à me téter, et quelque chose a changé dans son regard qu'une lueur un peu plus farouche anime à présent, quelque chose de plus animal, je suis sa proie, elle est la tigresse. Elle marque un temps d'arrêt en me fixant plus intensément. Je sens sa main descendre alors lentement le long de mon ventre et se diriger vers ma vulve, tandis que sa bouche vorace et gourmande reprend son insatiable tétée.

Je tente de prendre sa main qui s'aventure tout à côté de ma chatte..."non, pas ça, mon cœur, je t'en prie"...mais elle repousse ma tentative d'un geste ferme et décidé, et vient placer un doigt contre mes grandes lèvres, en marquant à nouveau une pause. "Laisse-toi aller, ma puce, laisse-moi faire" dit-elle. Son regard a encore changé, il est redevenu bienveillant, comme pour me rassurer, et elle me dit ça tout en caressant ma tête plus lentement, plus amoureusement, manière sans doute de dissiper mes dernières inquiétudes...après tout, je suis aussi sa femme, et elle ne veut que me le montrer. Ses doigts s'insinuent alors entre mes grandes lèvres qu'elle écarte doucement, puis partent à la recherche de mon petit bouton, qu'elle finit par découvrir, lové au creux de son capuchon. Elle porte alors son majeur à sa bouche avec un petit sourire vainqueur et je sens son doigt mouillé de sa salive entamer sa parade amoureuse avec mon clitoris, tandis qu'elle continue ses autres caresses. Cette fois plus de doute, je suis bien sa femme, ex prince Saphir devenue sa princesse saphique. Elle joue de mon corps comme elle le ferait d'un instrument, tantôt violoncelliste, tantôt pianiste, tantôt harpiste, musicienne multiforme, elle explore toute ma gamme, faisant vibrer toutes mes cordes, je ne fais plus qu'une avec elle, je suis son instrument.




J'essaye de suivre le moindre de ses changements de rythme, la plus petite variation de son tempo, en faisant aller et venir en moi l'olisbos d'acrylique détourné pour un moment de sa fonction première, tout en écartant et refermant mes cuisses au gré de ses fantaisies...mon dieu, c'est divin de se découvrir ainsi. Son majeur poursuit sa folle sarabande autour de mon petit bouton, lui d'ordinaire si sensible au point d'être agaçant, elle a su l'apprivoiser, le dompter, canaliser ses décharges électriques. Parfois elle délaisse ma poitrine, le temps de se lover un peu plus contre moi et de m'embrasser à pleine bouche, pour repartir ensuite à l'assaut de mes deux globes, doux assauts ponctués par ses mots d'amour et sa tendresse qu'elle me murmure ou me crie selon ses envies. Le temps s'est arrêté, et j'en ai perdu toute notion de toutes façons, je goûte ces instants d'éternelle félicité en gémissant sous ses caresses, en priant le ciel pour que ce ne soit pas un rêve, et si jamais ça l'était, alors que je ne me réveille plus. Et puis, insidieusement et sans vraiment y prendre garde, un changement plus subtil s'opère en moi. D'abord confus et ténu, presqu'imperceptible au début, il grandit progressivement, inexorablement, roule et enfle encore et encore, jusqu'à ce qu'il prenne corps, que je sente au fond de moi comme un train d'ondes successives, couvrant toute la gamme du spectre audible et inaudible. Ca commence avec les infrasons, puis les ultrabasses, auxquelles viennent s'ajouter mille harmoniques, comme le souffle de mille orchestres philarmoniques qui auraient envahi la scène du théâtre de Bayreuth, accents wagnériens, chevauchées des Walkyries, chevauchées fantastiques, hordes de chevaux sauvages lancés au galop que plus rien ne peut contrôler, harde folle emportant tout sur son passage et que rien n'arrête...

Dévastée, anéantie, hors du temps et de l'espace...me suis vue flotter dans la pièce sans comprendre que je nous regardais d'ailleurs...déroutant...un peu comme ces récits sur les E.M.I. Et puis un moment de flottement qui paraît durer une éternité ensuite, comme si les connexions avaient du mal à se faire...tiens c'est exactement ça : déconnectée et flottant entre deux eaux, entre deux mondes, entre deux espaces-temps. Soudain, une image s'impose à ma vue : pas d'erreur, je suis au paradis, la preuve, le visage au contours encore flous de cet ange qui se penche sur moi. Puis l'image se précise et devient d'une netteté éblouissante ; je connais ce visage, celui de mon ange. Je la serre tout contre moi, et pour la première fois depuis des semaines ce sont des larmes de bonheur que je sens couler le long de mes joues.

Ce toubib est un magicien...

Parano-safari en égo-trip transit

Dans tes pompes en peau de chauvesouris
& ta veste en cuir de cafard
tu passes la moitié de ton ennui
à t’estropier dans les blizzards
Les infirmières des premiers secours
qui viennent te border aux urgences
te disent :tu vas finir un jour
par souffrir d'un manque de souffrance

Alors tu passes toutes tes nuits
à t’attendre jusqu’au matin
à plumer au poker de l'insomnie
ton ange gardien
Alors tu passes toutes tes nuits
paranosafari en égo-trip-transit

Si la vie est une illusion
avec des fousrires en voixoff
tu te fais du mal tu tournes en rond
à courir derrière Lara Croft
t’as les hémisphères au taquet
les potards sur danger d'amor
t’es chargé à dix mille giga-octets
sur le point de bletter tous tes transistors

Alors tu passes toutes tes nuits
à t’attendre jusqu’au matin
à plumer au poker de l'insomnie
ton ange gardien
Alors tu passes toutes tes nuits
paranosafari en égo-trip-transit

Avec leurs doux yeux colorés
au bioxyde de manganèse
les biodolls te font danser
au bal des parthénogenèses
Elles sont programmées pour une heure
le temps de rincer sa libido
Les indigènes appellent ça le bonheur
mais toi tu dis : je préfère les marshmallows

Alors tu passes toutes tes nuits
paranosafari en égo-trip-transit



T'as plumé le tien, c'est bien...

T'as juste zappé un truc, c'est qu'il ne fallait pas jouer avec "la chaleur humaine" et encore moins avec l'amitié.

Je t'ai toujours défendue contre toutes ces merdes contre lesquelles tu vomissais ta bile, tous ces nazes qui te cassaient du sucre sur le dos et dont tu te moquais en appelant "à l'aide, Caro !"

Et moi, bonne conne, j'y allais de ma gomme cogne...punaise, si j'avais su le coup de Trafalgar que tu t'apprêterais à me faire plus tard...

Reste donc au bal des faux-culs à danser la mazurka, chez toi l'amour-propre ne le reste pas tant que ça, j'espère au moins qu'elle te paie pour ça ?

Et pas adieu hein, je n'ai pas d'ami imaginaire, juste "rien", ça suffira bien...

T'as plumé le tien, c'est bien...


Première descente aux enfers par la face nord

Je m'affale sur la scène
le père Fouettard est mort
mais on apprend la haine
dans nos livres d'histoire
On devrait s'amuser
à détraquer l'ennui
à tout mettre en danger
devant notre folie

Liberté, liberté, liberté
ben ouais quoi...



La victoire en chantant
nous ouvre la barrière
Mon pied entre les dents
je cherche ma civière
Je réserve les cieux
pour d'autres aventures
ce soir je sais que Dieu
est un fox à poil dur

Liberté, liberté, liberté



Je descends aux enfers
par l'entrée des novices
offrir à Lucifer
mon âme en sacrifice
Je boirai dans un crâne
le sang du déshonneur
en piétinant les mânes
des marchands de bonheur

Liberté, liberté, liberté
liberté, liberté, liberté

Une souris verte
qui courait dans l'herbe
on la prend par la queue
on la montre à ces messieurs
Ces messieurs nous disent :
Garde à vous !


Où en étais-je ?

Ah oui, j'y suis. Nous sommes le lundi 17 juin, déjà plus de 15 jours que j'ai troqué les ramboutans pour l'abricot et que j'ai une pêche d'enfer à défaut d'avoir la banane.


 

N'empêche, c'était moche, hein ?

Mon séjour à Bangkok va bientôt s'achever...me reste plus que la visite de contrôle avant mon retour en France et ça tombe bien vu que c'est aujourd'hui qu'elle a lieu. Rapide et frugal petit déjeuner (pour une fois), café noir et spéculoos de circonstance, juste avant l'épreuve du spéculum ça le fait, mais ne spéculons pas.

Kooh-kooh me revoilou au plastic surgery center, et que ça saute ! On me glisse à nouveau dans la blouse d'hôpital ouverte au dos, celle sous laquelle on est nue, mais qui pourtant ne sera jamais portée aux nues par les maisons de haute couture (ou alors chez Jean-Paul Gaultier, mais en version corset victorien long). C'est dommage, j'avais mis justement un petit haut corseté pour l'occasion...tant pis. Je retrouve la salle d'opérations qui est pour l'heure transformée en salle d'examen et je me hisse sur la table d'examen d'où j'assisterai aux opérations. Comme prévu, le staff se met au taf et je vois le chirurgien jouer au photographe entre mes guiboles recouvertes d'un drap...curieuse impression, et puis c'est une première. Il m'inspecte de fond en comble puis termine par une seringuée de Bétadine et m'annonce tout à lavement qu'il va me nettoyer tout ça, puis il quitte la pièce.

Un de ses assistants se dirige alors dans un coin et met de la musique...sympa. Enfin sympa, c'est plutôt de la musique d'ascenseur, le style variétés internationales interprétées à l'ocarina et à la flûte de pan, le genre de CDs made in China qu'on trouve à 2 euros chez les vendeurs à la sauvette, et les Bee Gees ou Céline Dion en instrumental à la flûte de pan, faut se les farcir. Heureusement, je n'en ai pas pour longtemps...en principe. Nan, je dis ça, c'est parce que pendant qu'un assistant me nettoie l'entresol, une infirmière me colle un bandeau sur les yeux tandis que le chirurgien revient. Du coup, ma cabine d'ascenseur aux néons blafards se transforme en cabine d'ascenseur en panne...mais toujours avec la musique...stressant. Je me demande bien ce que je ne dois pas voir, soit dit en passant, alors je demande (ben ouais, quoi).

Pour toute réponse, le toubib me file une tape sur la cuisse gauche en me disant "kitchen". Hein ? Keskidi ? Il est tout juste 10 heures du matin, un peu tôt pour la jaffe, what's cooking, doc ? Et puis d'un seul coup je comprends...c'est pas "kitchen" qu'il vient de me dire avec son accent à manger du khao phat mais plutôt un truc comme "puncture" ou "pincture". En fait, ma soudaine compréhension du thaïlanglais (on dit bien du franglais) vient du fait que je ressens soudainement une violente douleur située approximativement à équidistance de mes genoux et de mes épaules, douleur qui s'apparente à une piqûre en effet. Il va ainsi me cuisiner le frifri en me charcutant pendant deux heures sans que je sache ce qu'il mijote (ah ben c'était peut-être bien "kitchen" finalement). Surtout qu'en guise d'anesthésie, j'ai juste droit à la fameuse musique dont je parlais plus haut et à la main que me donne une gentille infirmière, laquelle me sussure des gentillesses à l'oreille de sa voix douce, comme quoi elle m'aime beaucoup, qu'une fois repartie elle ne m'oubliera pas, qu'elle souffre de me voir souffrir comme ça, et qu'au bout d'un moment je finis par m'apercevoir que c'est un infirmier (c'est dire à quel point je déguste)...dommage, il était très gentille quand même.

Bref, au bout de deux longues heures de ce traitement, mon calvaire touche enfin à sa fin. Le chirurgien ôte son masque et m'annonce que now tout est ok, après avoir joué à papa pique et maman coud...ne reste plus qu'à nettoyer tout ça (encore ?) et on m'introduit une sonde urinaire...la cerise sur le gâteau ou plutôt la banane dans l'oreille, et sans la peler en plus. Bon, ça s'arrête quand ces conneries ? Si ça continue faudra que ça cesse, que sinon je vais finir par broyer la main de mon gentille infirmier (quel gâchis tout de même). Dire que j'ai la minette en feu à cet instant est un doux euphémisme : en fusion serait plus exact, la fission ne dégageant pas autant de chaleur. Quant à la douleur, sur une échelle de 1 à 10, je dirais 11, en notant large. Ca valait le coup de venir...





Et puis bon, je récupère mes affaires à défaut de récupérer tout court (on verra ça beaucoup plus tard) et je rassemble tous les documents qu'on vient de me remettre, dont le fameux certificat aux allures de diplôme du bac (et avec l'oral de rattrapage que je viens de passer, j'avais intérêt à l'avoir)
    
Je me demande si je ne vais pas le faire encadrer et le mettre dans mon bureau au taf, vu que c'est assez explicite et qu'il est indiqué que je suis maintenant une femme de genre féminin (oui je sais, je cumule). Ils ne vont pas me casser les "hypogonades" pour si peu (c'est vrai que plus hypogonadique que ça, tu meurs). J'espère seulement qu'on ne va pas me refouler à l'embarquement avec mes gonades dégoupillées. En attendant, je retourne à l'hôtel, avec une sale impression de déjà vu, entre la nouvelle sonde et les nouveaux pansements, mais avec un nid de frelons entre les jambes en plus (des asiatiques, les pires). Ca pique, ça brûle, ça tiraille, ça fait...mal, tiens.

Deux jours d'angoisse à me demander pourquoi je saigne autant sous les pansements à la moindre sollicitation mais il paraît que c'est normal. Ca coûte cher le nettoyage d'un siège d'avion ? On m'enlève tout ça le matin de mon départ et je passe le reste de la journée à attendre et à morfler entre deux soins et exercices pas divers ni variés. Une copine, rencontrée quelques jours plus tôt à l'hôtel, vient me dire au revoir un peu avant que la voiture ne vienne me chercher. Une fille sympa et authentique, qui ne cherche pas à faire passer des vessies pour des lanternes, et qui est plutôt de bons conseils...et puis on se marre bien. Va falloir qu'on se revoie une fois qu'elle sera rentrée elle aussi mais elle en a encore pour trois semaines. Et puis bon, la voiture arrive et direction l'aéroport.

J'ai pris un vol direct par Thai Airways (tant qu'à faire) et je ne le regrette pas car les hôtesses sont charmantes et habituées aux filles comme moi. Du coup je suis prise en charge et installée comme une reine, aux petits soins et avec le sourire. Il faut dire aussi que je ne passe pas inaperçue, avec mes deux coussins spéciaux fournis par la clinique : deux donuts roses géants avec le site internet du centre brodé...Kop-khun kah, je regretterai le pays du sourire. Coup de bol que l'avion soit à moitié vide, ça me permet de voyager allongée (4 fauteuils pour moi toute seule, qu'en pensent Dan Aykroyd et Eddie Murphy ?) et de dormir un peu jusqu'à l'arrivée à Roissy où un ami d'enfance vient me chercher, le temps de reprendre un deuxième avion qui me ramènera au bercail.

A l'embarquement pour mon autre vol, changement de décor. Pas de doute, on est bien en France. Un lavedu badgé m'interpelle à plusieurs reprises, investi d'une mission divine sans doute, tel le taliban moyen du terminal 2. "Monsieur, monsieur !" qu'il me dit, l'air pas content du tout ; j'ai pourtant enlevé mes chaussures et en plus on n'est même pas dans une mosquée, alors qu'est-ce qu'il vient me casser les...ah merde, c'est vrai...enfin bref, qu'est-ce qu'il m'enquiquine ? Du coup je me retourne et je le toise avec mon air aimable en lui faisant remarquer que c'est "madame...M-A-D-A-M-E, verstehen sie ou faut-il que je développe ?" Apparemment ça fonctionne puisque le type se répand en excuses et me tend mon passeport...c'est qui le sexe fort déjà ? Encore une heure à poireauter debout et juste avant le malaise je monte enfin dans l'avion. Confort spartiate et je passe le temps du vol en appui sur mes deux mains, tellement j'ai la case trésor qui me rappelle à son bon souvenir, et après un atterrissage de colonel (ils doivent changer les trains toutes les semaines), me voici enfin arrivée à bon (aéro)port. Tiens, il pleut et il fait 12°C, j'avais oublié ce que ça faisait.

A l'arrivée des voyageurs j'aperçois mon petit sucre d'orge au milieu de la foule et d'un seul coup mes douleurs s'envolent.




On s'embrasse, on s'enlace, on ne s'en lasse pas, que pour un peu si Claude Lelouch est dans le coin on ne va pas tarder à entendre des "chabada-bada"...moteurs...action. Heuh, tout compte fait, oubliez les "chabada-bada", on va plutôt prendre le titre de Mécano, ce sera plus approprié. C'est si bon de se retrouver enfin qu'on voudrait que cet instant ne finisse jamais, et je réalise que c'est de loin le meilleur moment de mon voyage. Je pensais avoir fait le bon choix en partant à Bangkok, j'avais tort : le bon choix je l'ai fait il y a douze ans maintenant, quand je me suis mariée avec elle...noces de soie, c'est plutôt de bon augure pour cette nouvelle vie...même si pour l'heure j'en suis encore au stade où les dessous les plus doux me font l'effet de slips en toile émeri...putain c'est vrai que ça fait mal tant que c'est à vif. J'espère que ça va passer vite...pas encore cette année que j'irai à la plage.

When Maurice meets Alice

I was reborn on may, the 29th...

"Tu enfanteras dans la douleur", qu'il disait l'autre con, ben pas seulement...et puis la première chose qu'on te fait en naissant, c'est d'emblée la claque sur les fesses, histoire de te faire crier un bon coup pour voir si t'es prêt à encaisser tout ce qui t'attend plus tard. Si j'avais su j'aurais fermé ma gueule la première fois, juste pour retenir ma respiration comme le sale môme que j'étais, jusqu'à ce qu'il m'arrive quelque chose. Mais tu vois comme on peut être conne parfois : bien que déjà échaudée j'en ai redemandé...faut croire que j'étais maso finalement, et que je n'ai pas pris assez de baffes.

Alors du coup j'ai tendu ma carte d'adhérente, parce que tu vois, j'y avais droit au grand cirque, que l'ordonnateur des pompes funestes venait de contrôler et poinçonner mon ticket, tout bien donc, et puis dit, oh, eh, j'ai pas fait tout ça pour renoncer à la porte du bloc, j'aurais l'impression d'être montée avec une professionnelle et de m'apercevoir que j'ai oublié mon larfeuille dans mon lardeuss à la réception de l'hôtel, juste avant de me le faire chouraver par un gonze.

Bref, me voilà donc à la croisée des chemins...croisée mon cul ! C'est pas maintenant que je vais prendre la première à droite et me débiner, et puis ce chemin ça fait deux ans et demi que je l'ai emprunté, et le pire c'est que je suis impatiente en plus...à quoi peut bien penser le veau quand il est à l'abattoir ?

Non, parce qu'il faut quand même que j'explique bien les choses, en dehors de toute considération romantico-mystico-masturbatoire, qui font passer les œuvres complètes de Barbara Cartland pour la vie érotico-yaourt de Sacher Masoch, et que vous sachiez qu'en fait de saut de l'Ange, c'est plutôt le saut dans le vide qui m'attend, Alice au pays du Vermeil, tout ce qui brille n'est pas or. Alors attachez vos ceintures, rajustez vos bandages herniaires, on descend au fond du trou, et si vous apercevez le lapin blanc, c'est que vous croyez encore au père Noël.

Déjà ça commence à l'arrivée de l'avion, à peine le temps de poser les valdingues à l'hôtel, après 12 heures de vol tout de même, qu'on vient me chercher pour être présentée au chirurgien. Bon, point positif, c'est que c'est vraiment le pays du sourire, ça détend...un temps, vu qu'il y a déjà un os avec ma pomme, ou plutôt du mou dans la corde à nœuds. Voilà t'il pas qu'on m'annonce comme ça que je manque de peau (c'est pas de bol) pour me confectionner un minou avec toutes les options et le wifi à chaque étage, et que j'ai juste de quoi m'offrir un truc en trompe-l'oeil, avec une profondeur ridicule et quasi inexistante. A ce compte là, je pouvais tout aussi bien m'acheter un Vagina-string pour une centaine d'euros (ils en font même avec le kit pour menstrues en sus...enfin, en sus, moi perso j'y mettrais pas la bouche). Et dire qu'à Bordeaux l'autre pomme à l'huile se faisait fort de me faire un truc que rien qu'en écartant les cuisses on pouvait voir mes amygdales.

Bon alors je fais quoi ? Alleluia (enfin plutôt แอลิลยู - ยะ, on est à Bangkok), il existe une solution, moyennant une...rallonge (logique, comme son nom l'indique). Casse la tienne ! Au point où j'en suis... On va donc me prélever de la peau au creux de l'aine (et me prélever de l'oseille au creux du bas de laine) et si tout se passe bien, sans faire de l'ombre à Gloria Lasso, je devrais pouvoir m'en sortir plutôt honnêtement. Pour fêter ça, je vais passer les quatre jours qui me séparent de l'opération avec une bonne diète, soupes et laxatifs, et puis arrive enfin le jour "J".

On vient me chercher à l'hôtel pour 13h et me voilà à pied d'œuvre dans une chambre d'hosto, où je me repose jusqu'à 15h...ça me fait penser à la séance de cinéma à laquelle tu t'es pointée au tout début et que tu dois te farcir les pubs à la con avant que le rideau ne s'ouvre. Pas de douche à la Bétadine, c'est vrai qu'il ne fait que 35° et qu'on arrive à la saison des pluies, et je pénètre enfin dans le "Saint des seins". On me demande de m'allonger sur une table, les bras en croix, et je vois un type en vert avec un masque qui agite une seringue en me disant "dormir, dormir" en se fendant la poire, ce qui a pour effet de lui resserrer la bride sur les yeux. In petto je me marre (pas la première fois qu'on m'anesthésie, 27 ans de boîte, on est habitué à force) et je me mets à compter 1, 2, 3, 4 en anglais, ce qui me semble durer une éternité, c'est vrai qu'ils comptent en pouces, ces cons de rosbifs, c'est pour ça. Et puis enfin le silence...

Réveil. Qu'est-ce que je fous là, déjà ? Ah oui, ça me revient...ça me revient même très bien, vu que je sens comme une grosseur entre les jambes...m'ont collé un méga pansement, que pendant un moment un doute m'assaille, complètement irrationnelle, la fille...non, ils ne se seraient tout de même pas gourés ? N'empêche, cette méga bosse me file le traczir...vivement dimanche, que je puisse voir ce qu'on m'a fait au juste. Et puis comme tout vient à point à qui sait attendre, et depuis le temps que j'attends, arrive le jour où... Bon, à dire vrai, je ne vois pas grand chose, à part des tuyaux en plastique souple et transparent dans lesquels circulent des fluides aux couleurs incertaines, qui partent du dessous du pubis pour se répandre dans des flacons où stagnent des remugles d'outre on ne sait quoi et des pestilences qui s'écoulent en silence...pas le genre de piscine dans laquelle on aimerait piquer une tête, fût-elle de nœud. Quatre jours après, me voilà donc "démomifiée", mais pas le temps de m'attarder sur le résultat, on m'habille, on me prépare, et je me retrouve dans la voiture qui me ramène à l'hôtel sans trop avoir eu le temps de comprendre ce qui m'arrivait.

A la réception, je commence à accuser le coup et je manque de peu d'aller respirer la moquette...punaise, c'est quoi ce spectre que je vois dans la glace ? Ah mince, c'est moi dis donc...pas bandante la Caro...bon, ils me filent ma clef oui ou merde ? Enfin ! On monte, enfilade de couloirs, la porte qui s'ouvre, "thank you very much et bien le bonjour à madame...ah c'est monsieur ? Embrassez-le sur la fesse gauche de ma part et soyez heureux."Ouf, enfin seule, je m'écroule sur le lit, reprendre un semblant de couleurs le temps d'une heure ou deux, et puis je me décide à affronter mon destin. Roulement de tambour...ah ben non, c'est juste le bruit de mes intestins qui me rappellent à leur bon souvenir et à priori ça urge. Faut les comprendre aussi, quatre jours d'hosto et de soupes de maïs, sans compter le choc opératoire et les bouleversements annexes, normal qu'ils aient envie de s'exprimer...surtout maintenant que je n'ai plus le principal pansement qui me couvrait tout l'entresol, il n'y a donc plus de danger (et puis je commençais vraiment à ne plus pouvoir me retenir). Et dire que les infirmières me disaient qu'il ne s'agissait en fait que de gaz...heureusement que je me connais et que j'avais bien anticipé la grosse catastrophe, j'imagine faire "poh-poh on the bed" comme elles me le conseillaient...à coup sûr je repeignais la chambre à la couleur de leurs blouses (donne du maïs à une oie et tu auras une idée de la teinte et de la texture). Le monde appartient à celles et ceux qui arrivent à maîtriser leurs sphincters, même au prix d'atroces douleurs, et pour une fois le slogan des abrutis de la Manip pour tous m'aura aidé à tenir bon..."on ne lâche rien !" Désolée d'insister lourdement sur l'aspect scatologique, mais si ça peut rendre service à de futures candidates, car ce sont des choses qui peuvent arriver...

Bref, après avoir retrouvé le sens des priorités, si je revenais enfin à mon saut de l'Ange (vu que c'est quand-même pour ça que je suis venue jusque là, même si pour l'instant j'ai le sentiment d'avoir foiré l'atterrissage). Bon alors que je vous dise : d'une, c'est joli...de deux, c'est très joli...de trois, c'est mieux que ça en fait...c'est le genre de chose que tu regardes et tu n'as rien d'autre qui te vient à l'esprit que "WOW"...mélange de délivrance, bonheur, joie immense, le truc qui te laisse sans voix, juste ce "WOW" que tu oses à peine bredouiller tellement c'est too much. J'en avais rêvé, Sony ne l'a pas fait mais j'en reste tout de même comme deux ronds de flan : putain, tu sais quoi ? Ben c'est juste miraculeux, que si je n'avais pas peur d'éclater la poche de ma sonde urinaire je tomberais à genoux subito, urbi et orbi et tutti frutti. Approche un peu que je te pince, pour voir si je ne rêve pas...tu as eu mal ? Merci, c'était donc vrai.

Pour être tout à fait honnête, c'est surtout la vulve d'ens...pardon, la vue d'ensemble (quoique ça revient au même) qui est agréable à l'œil. Pour le reste, il faut avouer que c'est un peu les entretiens de Bichat, mâtinés de Ridley Scott, entre les cicatrices sanguinolentes et boursoufflées, les tuyaux qui se perdent dans mes profondeurs (faudra que j'approfondisse ça plus tard), des trucs jaunâtres, rosâtres, bleuâtres, tiens, si je te disais, "couleurâtres" même, tu vois ? Enfin bref, rien de bien engageant, mais seulement quatre jours après une lourde opération qui a duré 6h30, faut pas trop en demander non plus. Néanmoins, c'est vrai qu'au-delà de tout ça, le travail est plutôt bien fait et laisse présager des lendemains qui chantent. Bienvenue par minou, je l'ai fait et je suis la plus heureuse des femmes.

Je reste sur mon nuage trois jours durant, et puis le deuxième instant de vérité pointe le bout de son nez : on m'enlève le conformateur. C'est un truc qu'on retrouve sous plusieurs formes en fonction des latitudes, allant d'une sorte de ballon gonflable à une grosse motte d'étoupe (pour les plus rustiques) et qui sert en fait à maintenir la forme du néo-vagin...un peu comme un embauchoir. Chez moi, ce conformateur est constitué d'un long chapelet de sortes de petites "saucisses" ressemblant à des tampons, que l'infirmière déroule, déroule, et déroule encore...dis, ça s'arrête quand ? Curieuse impression, pas l'habitude encore, qui s'accompagne en plus de petits tiraillements, la sensation étrange qu'un Torquemada de Prisunic s'emploierait à vouloir à tout prix me faire avouer où j'aurais bien pu cacher le saint graal, en m'enlevant la tripaille pour vérifier.

La Nature ayant horreur du vide, et à fortiori les opérations contre nature, comme disent les "pas transphobes mais...", qui c'est qui va avoir droit à la grosse gâterie ? Aussi sec, non sans l'avoir lubrifié au préalable (que sinon je vous raconte pas), ma petite infirmière m'introduit le dilatateur neumbère ouane at the right place, en me prodiguant des conseils utiles, tels que "push, push...you have to relax". Relax, relax...facile à dire, t'as déjà essayé de rentrer dans du 36 quand tu fais du 42 ? Ben là c'est pareil et j'espère que les coutures vont tenir, surtout que c'est de la confection asiatique, quand on y pense. On va la jouer Fight Club : je suis la somme des souffrances de toutes les femmes que des soudards ont prises sans préliminaires...comme je vous comprends à cet instant précis, mes sœurs. Et puis une douleur un peu plus forte que les autres annonce la fin du voyage. Terminus ! Personne ne descend. Ma sympathique défloratrice saphique asiatique et un brin sadique (rhâaaah lovely) me demande le "miror", c'est pourtant pas le moment d'astiquer l'argenterie, les bijoux de famille étant désormais aux abonnés absents, et elle me lance un "look !" triomphant. Alors je looke, voyez-vous, et ce que je vois me laisse sans (voix...suivez, merde).

Comment dire, sans tomber dans le scabreux...ça va pas être simple, alors scabrons, scabre au clair ! . Z'avez déjà vu un iceberg ? Sachant que la partie émergée d'icelui représente à peu près 10% de sa taille totale, sachant qu'on n'aperçoit une portion que d'un pouce et demi du dilatateur, compte-tenu de la loi de Boyle-Mariotte, du principe d'Archimède, et sachant que ledit dilatateur a une longueur totale de huit pouces, amuse-toi à trouver l'âge du capitaine. La vache ! Z'êtes sûrs que c'est bien moi ? Déjà qu'à l'époque, avec un simple thermomètre j'avais quelques réticences, là on est carrément dans la 4ème dimension. En tout cas je saurai où planquer mon artiche à présent. N'empêche, je suis gravement impressionnée. Les bonnes choses ayant toutes une fin, l'infirmière me libère les voies du saigneur, lesquelles sont justement pénétrables, je viens d'en avoir confirmation à l'instant. Tiens, en parlant de sang, et là c'est beaucoup moins glamour, j'ai gagné un abonnement d'au moins un an chez Always, selon ce que me fait comprendre l'infirmière, c'est que c'est long à cicatriser, ces petites choses là.

Alors voilà, j'ai enfin eu ce que je voulais, et globalement c'est plutôt du beau travail, même si je n'ai pas fini d'en baver, entre les dilatations quotidiennes à effectuer, les diverses pertes en tout genre, qui feraient passer la petite culotte de Gloria Lasso pour l'immaculé saint suaire, les douleurs, la dépression post-partum, la fatigue, etc*. Tant pis, i did it ! Me reste plus qu'à lui trouver un petit nom...


Gynécées (en duo avec personne)




Alors j'y suis enfin, après deux ans et demi de parcours atypique...

Commencé en "free lance", puis protocole officiel, commission médicale et l'accès au "sésame" qui m'autorise à être opérée en France, le tout pris en charge par la sécu...opération programmée, tout bien...et puis bon, le doute qui s'installe, les deux rendez-vous avec le chirurgien (qui va tenir ma future vie entre ses mains) qui ne se passent pas super bien, à croire que ça l'emmerde.

Au premier, j'ai droit à "ah ben je n'ai pas votre dossier, il n'est pas signé", et devant ma consternation, la réponse qui tue : "c'est pas le supermarché du changement de sexe ici" (véridique)...pourtant j'étais venue toute timide, pas revendicative pour deux ronds, attendant juste une date après la commission, histoire de me préparer. "De toute façon, je n'opère pas les gens avant de les avoir vu au moins 3 fois, mais s'il n'y a que ça pour vous faire plaisir, on se revoit en février et je vous l'aurai signé." Fin de l'examen...pardon, de l'entretien (je te tiens, par les coucougnettes). Tiens, en parlant d'examen, il n'a même pas jeté un œil sur la "marchandise"...passons, c'est lui le spécialiste après tout.

Arrive donc le deuxième rendez-vous de février, c'est à dire le 25 mars (cherchez pas, c'est comme ça), et là, changement de ton par rapport à la première fois. Il m'accueille avec le sourire, me dit comme ça que "vous voyez, tout s'arrange, votre dossier est signé". Cool, je me sens hyper rassurée, que pour un peu c'est comme si j'étais déjà opérée, c'est dire. Bon, mais sans rire, c'est prévu pour quand ? "Comprenez que vous n'êtes pas la seule, entre les jours fériés, tout ça, j'ai un planning chargé, alors disons en septembre, ça vous va ?" Ben oui, au moins j'ai une période donnée, je vais pouvoir prendre mes dispositions. "Donc va pour septembre, je vous opèrerai le 14 octobre." Sacré déconneur, sans compter qu'il me dit tout ça avec l'air de s'en foutre royalement.

Je crois que c'est à ce moment là que j'ai pris ma décision d'aller finalement me faire opérer à l'étranger, sachant que là encore il n'a pas jugé utile de m'examiner (pourtant j'avais mis une culotte propre, vu qu'on était un lundi...le vendredi j'aurais compris encore).

Voilà donc pourquoi je me retrouve à Bangkok. Ca va me coûter un bras (enfin façon de parler, mon bras va bien, lui), en plus j'ai la phobie de l'avion de ligne (sacré baptême de l'air), plus le fait d'être séparée de la femme de mes vies pendant près d'un mois, plus toutes les ondes négatives qui m'accompagnent (j'ai tellement d'amis), bref, que du bonheur...heureusement que c'est plus qu'une simple opération de réassignation sexuelle pour ma part, car je crois toujours à ce saut de l'Ange, et il faut avoir la foi chevillée au corps pour continuer à rêver dans ce monde de cons, je vous prie de croire.

Mon opération est prévue le 29 mai, comme quoi le destin est facétieux parfois, vu que c'est ce même jour que sera célébré le premier mariage homo en France...ça va sûrement faire plaisir aux "pas homophobes mais...", en tout cas c'est plutôt de bon augure...

Bon j'avoue, je flippe un peu tout de même, sans parler des joies pré-opératoires, moi qui me faisait une joie de goûter la cuisine thaïlandaise, j'ai juste droit à des soupes déshydratées à la tomate, arrosées de laxatifs...transsexuelle est un sacerdoce, moi je vous le dis. Enfin, je me rattraperai dès que j'aurai l'autorisation de manger à nouveau (le buffet va y passer).

Sinon les gens d'ici sont charmants, c'est vraiment le pays du sourire, ça change des gueules de raies qui ont envahi les rue de Paris ce dimanche de fête des mères. Je suis contente d'avoir pu aller me recueillir sur la tombe de ma maman avant mon départ, de lui avoir expliqué ce que je m'apprêtais à faire, j'ai beau être athée, je pense qu'elle m'a entendue...j'aurais tant aimé pouvoir le lui dire avant, je sais qu'elle aurait compris, qu'elle aurait aimé sa deuxième fille comme elle a toujours aimé ses enfants, comme seule une mère digne de ce nom est capable de le faire, et malgré les "tares" dont ils sont parfois affublés.

Me voilà donc seule dans cette chambre, à quelques heures de l'opération de ma vie, ma puce n'ayant pas pu venir, on ne fait pas toujours ce qu'on veut, déjà bien difficile de faire ce qu'on peut... Je ne dirai jamais assez à quel point elle est courageuse d'avoir à affronter tout ça elle aussi, l'angoisse de la distance, la peur qu'il puisse m'arriver quelque chose sans pouvoir être à mes côtés...mon petit bout de femme que j'aime...il me tarde d'être à nouveau contre toi...

Si tout se passe bien, en principe je me réveillerai de l'autre côté, terra incognita, continent encore vierge qu'il me faudra explorer et découvrir peu à peu, je pense que j'aurai des sentiments mêlés, entre joie immense et appréhension, j'ai encore du mal à l'imaginer. Tout ce que je sais, c'est que je vais avoir du mal à trouver le sommeil cette nuit...alors beaux rêves éveillés à toutes et à tous, enfin les êtres humains...