dimanche 24 avril 2016

Première descente aux enfers par la face nord

Je m'affale sur la scène
le père Fouettard est mort
mais on apprend la haine
dans nos livres d'histoire
On devrait s'amuser
à détraquer l'ennui
à tout mettre en danger
devant notre folie

Liberté, liberté, liberté
ben ouais quoi...



La victoire en chantant
nous ouvre la barrière
Mon pied entre les dents
je cherche ma civière
Je réserve les cieux
pour d'autres aventures
ce soir je sais que Dieu
est un fox à poil dur

Liberté, liberté, liberté



Je descends aux enfers
par l'entrée des novices
offrir à Lucifer
mon âme en sacrifice
Je boirai dans un crâne
le sang du déshonneur
en piétinant les mânes
des marchands de bonheur

Liberté, liberté, liberté
liberté, liberté, liberté

Une souris verte
qui courait dans l'herbe
on la prend par la queue
on la montre à ces messieurs
Ces messieurs nous disent :
Garde à vous !


Où en étais-je ?

Ah oui, j'y suis. Nous sommes le lundi 17 juin, déjà plus de 15 jours que j'ai troqué les ramboutans pour l'abricot et que j'ai une pêche d'enfer à défaut d'avoir la banane.


 

N'empêche, c'était moche, hein ?

Mon séjour à Bangkok va bientôt s'achever...me reste plus que la visite de contrôle avant mon retour en France et ça tombe bien vu que c'est aujourd'hui qu'elle a lieu. Rapide et frugal petit déjeuner (pour une fois), café noir et spéculoos de circonstance, juste avant l'épreuve du spéculum ça le fait, mais ne spéculons pas.

Kooh-kooh me revoilou au plastic surgery center, et que ça saute ! On me glisse à nouveau dans la blouse d'hôpital ouverte au dos, celle sous laquelle on est nue, mais qui pourtant ne sera jamais portée aux nues par les maisons de haute couture (ou alors chez Jean-Paul Gaultier, mais en version corset victorien long). C'est dommage, j'avais mis justement un petit haut corseté pour l'occasion...tant pis. Je retrouve la salle d'opérations qui est pour l'heure transformée en salle d'examen et je me hisse sur la table d'examen d'où j'assisterai aux opérations. Comme prévu, le staff se met au taf et je vois le chirurgien jouer au photographe entre mes guiboles recouvertes d'un drap...curieuse impression, et puis c'est une première. Il m'inspecte de fond en comble puis termine par une seringuée de Bétadine et m'annonce tout à lavement qu'il va me nettoyer tout ça, puis il quitte la pièce.

Un de ses assistants se dirige alors dans un coin et met de la musique...sympa. Enfin sympa, c'est plutôt de la musique d'ascenseur, le style variétés internationales interprétées à l'ocarina et à la flûte de pan, le genre de CDs made in China qu'on trouve à 2 euros chez les vendeurs à la sauvette, et les Bee Gees ou Céline Dion en instrumental à la flûte de pan, faut se les farcir. Heureusement, je n'en ai pas pour longtemps...en principe. Nan, je dis ça, c'est parce que pendant qu'un assistant me nettoie l'entresol, une infirmière me colle un bandeau sur les yeux tandis que le chirurgien revient. Du coup, ma cabine d'ascenseur aux néons blafards se transforme en cabine d'ascenseur en panne...mais toujours avec la musique...stressant. Je me demande bien ce que je ne dois pas voir, soit dit en passant, alors je demande (ben ouais, quoi).

Pour toute réponse, le toubib me file une tape sur la cuisse gauche en me disant "kitchen". Hein ? Keskidi ? Il est tout juste 10 heures du matin, un peu tôt pour la jaffe, what's cooking, doc ? Et puis d'un seul coup je comprends...c'est pas "kitchen" qu'il vient de me dire avec son accent à manger du khao phat mais plutôt un truc comme "puncture" ou "pincture". En fait, ma soudaine compréhension du thaïlanglais (on dit bien du franglais) vient du fait que je ressens soudainement une violente douleur située approximativement à équidistance de mes genoux et de mes épaules, douleur qui s'apparente à une piqûre en effet. Il va ainsi me cuisiner le frifri en me charcutant pendant deux heures sans que je sache ce qu'il mijote (ah ben c'était peut-être bien "kitchen" finalement). Surtout qu'en guise d'anesthésie, j'ai juste droit à la fameuse musique dont je parlais plus haut et à la main que me donne une gentille infirmière, laquelle me sussure des gentillesses à l'oreille de sa voix douce, comme quoi elle m'aime beaucoup, qu'une fois repartie elle ne m'oubliera pas, qu'elle souffre de me voir souffrir comme ça, et qu'au bout d'un moment je finis par m'apercevoir que c'est un infirmier (c'est dire à quel point je déguste)...dommage, il était très gentille quand même.

Bref, au bout de deux longues heures de ce traitement, mon calvaire touche enfin à sa fin. Le chirurgien ôte son masque et m'annonce que now tout est ok, après avoir joué à papa pique et maman coud...ne reste plus qu'à nettoyer tout ça (encore ?) et on m'introduit une sonde urinaire...la cerise sur le gâteau ou plutôt la banane dans l'oreille, et sans la peler en plus. Bon, ça s'arrête quand ces conneries ? Si ça continue faudra que ça cesse, que sinon je vais finir par broyer la main de mon gentille infirmier (quel gâchis tout de même). Dire que j'ai la minette en feu à cet instant est un doux euphémisme : en fusion serait plus exact, la fission ne dégageant pas autant de chaleur. Quant à la douleur, sur une échelle de 1 à 10, je dirais 11, en notant large. Ca valait le coup de venir...





Et puis bon, je récupère mes affaires à défaut de récupérer tout court (on verra ça beaucoup plus tard) et je rassemble tous les documents qu'on vient de me remettre, dont le fameux certificat aux allures de diplôme du bac (et avec l'oral de rattrapage que je viens de passer, j'avais intérêt à l'avoir)
    
Je me demande si je ne vais pas le faire encadrer et le mettre dans mon bureau au taf, vu que c'est assez explicite et qu'il est indiqué que je suis maintenant une femme de genre féminin (oui je sais, je cumule). Ils ne vont pas me casser les "hypogonades" pour si peu (c'est vrai que plus hypogonadique que ça, tu meurs). J'espère seulement qu'on ne va pas me refouler à l'embarquement avec mes gonades dégoupillées. En attendant, je retourne à l'hôtel, avec une sale impression de déjà vu, entre la nouvelle sonde et les nouveaux pansements, mais avec un nid de frelons entre les jambes en plus (des asiatiques, les pires). Ca pique, ça brûle, ça tiraille, ça fait...mal, tiens.

Deux jours d'angoisse à me demander pourquoi je saigne autant sous les pansements à la moindre sollicitation mais il paraît que c'est normal. Ca coûte cher le nettoyage d'un siège d'avion ? On m'enlève tout ça le matin de mon départ et je passe le reste de la journée à attendre et à morfler entre deux soins et exercices pas divers ni variés. Une copine, rencontrée quelques jours plus tôt à l'hôtel, vient me dire au revoir un peu avant que la voiture ne vienne me chercher. Une fille sympa et authentique, qui ne cherche pas à faire passer des vessies pour des lanternes, et qui est plutôt de bons conseils...et puis on se marre bien. Va falloir qu'on se revoie une fois qu'elle sera rentrée elle aussi mais elle en a encore pour trois semaines. Et puis bon, la voiture arrive et direction l'aéroport.

J'ai pris un vol direct par Thai Airways (tant qu'à faire) et je ne le regrette pas car les hôtesses sont charmantes et habituées aux filles comme moi. Du coup je suis prise en charge et installée comme une reine, aux petits soins et avec le sourire. Il faut dire aussi que je ne passe pas inaperçue, avec mes deux coussins spéciaux fournis par la clinique : deux donuts roses géants avec le site internet du centre brodé...Kop-khun kah, je regretterai le pays du sourire. Coup de bol que l'avion soit à moitié vide, ça me permet de voyager allongée (4 fauteuils pour moi toute seule, qu'en pensent Dan Aykroyd et Eddie Murphy ?) et de dormir un peu jusqu'à l'arrivée à Roissy où un ami d'enfance vient me chercher, le temps de reprendre un deuxième avion qui me ramènera au bercail.

A l'embarquement pour mon autre vol, changement de décor. Pas de doute, on est bien en France. Un lavedu badgé m'interpelle à plusieurs reprises, investi d'une mission divine sans doute, tel le taliban moyen du terminal 2. "Monsieur, monsieur !" qu'il me dit, l'air pas content du tout ; j'ai pourtant enlevé mes chaussures et en plus on n'est même pas dans une mosquée, alors qu'est-ce qu'il vient me casser les...ah merde, c'est vrai...enfin bref, qu'est-ce qu'il m'enquiquine ? Du coup je me retourne et je le toise avec mon air aimable en lui faisant remarquer que c'est "madame...M-A-D-A-M-E, verstehen sie ou faut-il que je développe ?" Apparemment ça fonctionne puisque le type se répand en excuses et me tend mon passeport...c'est qui le sexe fort déjà ? Encore une heure à poireauter debout et juste avant le malaise je monte enfin dans l'avion. Confort spartiate et je passe le temps du vol en appui sur mes deux mains, tellement j'ai la case trésor qui me rappelle à son bon souvenir, et après un atterrissage de colonel (ils doivent changer les trains toutes les semaines), me voici enfin arrivée à bon (aéro)port. Tiens, il pleut et il fait 12°C, j'avais oublié ce que ça faisait.

A l'arrivée des voyageurs j'aperçois mon petit sucre d'orge au milieu de la foule et d'un seul coup mes douleurs s'envolent.




On s'embrasse, on s'enlace, on ne s'en lasse pas, que pour un peu si Claude Lelouch est dans le coin on ne va pas tarder à entendre des "chabada-bada"...moteurs...action. Heuh, tout compte fait, oubliez les "chabada-bada", on va plutôt prendre le titre de Mécano, ce sera plus approprié. C'est si bon de se retrouver enfin qu'on voudrait que cet instant ne finisse jamais, et je réalise que c'est de loin le meilleur moment de mon voyage. Je pensais avoir fait le bon choix en partant à Bangkok, j'avais tort : le bon choix je l'ai fait il y a douze ans maintenant, quand je me suis mariée avec elle...noces de soie, c'est plutôt de bon augure pour cette nouvelle vie...même si pour l'heure j'en suis encore au stade où les dessous les plus doux me font l'effet de slips en toile émeri...putain c'est vrai que ça fait mal tant que c'est à vif. J'espère que ça va passer vite...pas encore cette année que j'irai à la plage.

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