dimanche 24 avril 2016

Variations autour du complexe d'Icare

Bientôt 5 mois de THS...déjà...et un mois après, le premier bilan...le "point de bascule" à partir duquel il est très difficile de revenir en arrière. Ca me convient, pas envie de tout arrêter, pas envie de retourner d'où je viens, pas envie de faire la route dans l'autre sens, pas assez d'essence, pas assez d'aisance, pas envie de me retrouver à nouveau en haut du Mont Olympe à brûler mes yeux de trop scruter ma belle planète, si lointaine et inaccessible, à lui adresser mes prières, comme un papillon à une étoile, comme ce naufragé qui regarde s'éloigner le bateau salvateur et dont l'espoir d'être recueilli s'amenuise au fur et à mesure que sa silhouette s'enfonce dans la nuit océane.

Je me fais l'effet du voyageur imprudent de Barjavel, à vouloir changer ainsi le cours des choses... vais-je m'attirer les foudres d'Hypsis, m'abîmer dans la mer Egée de m'être trop approchée du Soleil, risquer de brûler ces ailes que je viens à peine de déployer ? J'ai encore tellement de questions qui m'assaillent, tant d'obstacles à contourner, tant et tant de précipices, de gouffres insondables, d'abîmes abyssales...et pourtant, je continue, vaille que vaille, parce que c'est mon destin, ma vie, que c'est ainsi, que c'est comme ça. Je me suis imaginée un instant ambassadrice des Ombres, spectres sortis tout droit des placards de nos pensées les plus intimes et les plus secrètes, ectoplasmes errant au hasard de la lande déserte et désolée de nos espérances meurtries, par des nuits sans lune où les filaments de brume s'enroulent et s'étirent langoureusement, laissant des lambeaux de rêves s'accrocher aux épines d'arbustes noirs et noueux, déjà morts de n'avoir pas encore vécu. Je ne vais pas laisser ces ombres retourner au néant.

Le chemin que j'ai choisi n'est pas le plus facile, mais d'autres l'ont emprunté avant moi pourtant, avec plus ou moins de bonheur. Et quel chemin en fait ? Le même que ceux qui conduisent tous à Rome ? Mais dans ce domaine, il y a bien longtemps que Rome n'est plus dans Rome. Y-a-t'elle seulement été un jour ? Quelle femme vais-je devenir ? Comment mon corps va-t'il évoluer ? Quel avenir "social" m'attend pour "après" ?

J'explore diverses pistes, en tâtonnant un peu, j'essaye différents "styles", couleurs et coiffures, fringues, etc... Je construis jour après jour celle qui finira par me remplacer totalement, sans trop savoir où elle me mènera en fait. Je n'ai plus affaire aujourd'hui à la femme d'autrefois, cette créature onirique et multiformes, capable de tous les excès, passant en un éclair du vice à la vertu. Aujourd'hui je me dois d'être cohérente avec mon personnage, car ce n'est plus tout à fait un personnage, sorte d'héroïne fantasmée évoluant dans les arcanes de l'imaginaire, se jouant des codes et des dogmes, flirtant avec les comportements les plus improbables. Non, aujourd'hui c'est une Caro beaucoup plus charnelle et beaucoup moins virtuelle qui va devoir petit à petit apprendre à exister, à respecter quelques règles élémentaires, à trouver sa nouvelle place dans la société.

Bienvenue dans le monde réel donc, où tout reste à faire. Désormais, c'est sans filet. Tiens, ça me rappelle un peu mon premier vol en parapente, une fois qu'on s'est lancée du tremplin et qu'on constate qu'il y a environ 300m de gaz en dessous des pieds...on sait très bien où on va, un peu moins comment on va y arriver, si on va casser du bois ou se poser comme une fleur...en tout cas pour l'instant j'ai accroché mon premier thermique et je "zérote" tranquillement, attentive au moindre bruit du vario...si seulement j'avais mon parachute de secours, vous savez, ceux avec les doubles coupoles, comme ces autres coupoles dont j'espère l'ouverture prochaine, manière de me rassurer, mais m'est avis que, comme pour le parapente au début, je me passerai de secours la première année...va juste falloir éviter la fermeture brutale et se tenir loin des gros pétards qui te font grimper à du 5m/s...quoique j'en ai vu d'autres...

Alors en attendant le grand saut dans l'espace-temps, Valérian cèdant les commandes de son vaisseau à Laureline, je récolte tous les renseignements que je peux auprès de mes amis Shingouz, aidée par quelques perles d'Ebébé ou des larmes de Vladock que mon petit transmuteur grognon de Bluxte me fournit à la demande...et je puise dans ses réserves d'énergie, le pauvre, tant je suis désireuse d'atteindre le but que je me suis fixée.. Ma route croise parfois quelques fauves mange-matière ou des hordes de chiens de l'espace, mais elle est aussi balisée par des processions de Zypanons de Zyp, ces êtres merveilleux en compagnie desquels on se sent inexpliquablement serein et grâce à qui tout devient possible. Et si l'Ouvre-temps n'était pas qu'un mythe ? Pouvoir retomber en enfance et me retrouver dans la peau de la jolie et espiègle Laureline, dis, ça doit être quelque chose...pardon...distorsion de phase...le temps n'est plus aux rêves et je ne suis plus ce personnage de B.D....

Bon, physiquement il y a encore du boulot, et de toutes façons j'aurai quelques bricoles à revoir sur le plan de la chirurgie faciale, ça c'est du concret mais c'est prévu, changer certaines mauvaises habitudes, gommer quelques petits défauts, ça devrait le faire à la longue. Et puis cette deuxième puberté est un peu une occasion de retrouver quelques années perdues, ou du moins de revivre certains moments, source de jouvence sinon physique, du moins mentale. Tous ces clichés en noir et blanc qui resurgissent du passé, ces photos jaunies de l'époque où le temps d'un battement de cil on pouvait se laisser emporter des heures entières par la rêverie, relativité du temps passé, réalité du temps présent, ubiquité des temps futurs, sainte Trinité dans laquelle s'imbriqueront mes trois états pour ne former plus qu'une...c'est marrant, j'ai un air de piano mécanique qui résonne dans ma tête, des vieux films qui défilent sur un drap tendu contre un mur, des odeurs de chouquettes à l'heure du thé, les dimanches après-midi...et encore un plongeon vers les eaux calmes et limpides de l'enfance...j'aurais bien aimé me souvenir de parties de colin-maillard au milieu de toilettes blanches à fleurs, revoir flotter des rubans dans mes cheveux, s'ébattre au milieu des petits animaux de la forêt et suivre le lapin blanc au fond de son terrier, en faisant bien attention de ne pas salir ma robe...tous ces souvenirs qui, quoi que je devienne, ne m'appartiendront jamais...deuxième puberté n'est pas synonyme de deuxième jeunesse, mon miroir me le fait savoir chaque jour...

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