dimanche 24 avril 2016

Chambre 2023 et des poussières

"J'étais Caïn junior, le fils de Belzébuth, chevauchant dans la nuit mes dragons écarlates, et m'arrêtant souvent chez les succubes en rut, j'y buvais le venin dans le creux de leurs..." Oui bon, je sais, inutile d'aller chercher les messieurs en blouses blanches ou d'appeler le 18, ça va très bien, merci. Ca va même d'autant mieux que j'ai une amie transsexuelle qui vient d'effectuer son saut de l'Ange et que je vais rencontrer pour la première fois à cette occasion...et quelle occasion...c'est comme une sorte de "répétition générale par procuration" pour moi, et surtout pouvoir voir enfin une amie dont j'ai fait la connaissance par internet au début de ma transition.

Donc me voilà partie pour un voyage de 1300 kms aller, en voiture car j'ai une trouille bleue de l'avion, ce qui est complètement irrationnel mais c'est comme ça. Et puis ça me donnera l'occasion de revoir la côte d'azur, surtout que la semaine annonce un temps splendide. Marrant quand on y pense, quel meilleur endroit que la Baie des Anges pour en accueillir un autre ?

Je la rencontrerai donc, dans cette chambre 2023 et des poussières, poussières d'ange, poussières d'étoiles, ces étoiles que je verrai briller dans ses yeux, et ces quelques moments passés en sa compagnie resteront longtemps gravés dans ma mémoire.

Mais ces moments resteront entre nous.

C'est une promesse que je lui ai faite. J'avais écrit pour elle des dizaines de lignes, dans lesquelles je donnais libre court à mes émotions, où j'usais des superlatifs les plus osés, des métaphores les plus intimes, et des sublimations les plus transcendentales, parce que je suis comme ça, que j'aime trouver de la magie en toute chose, du merveilleux en tout être, que la réalité ne peut se concevoir sans cette part d'imaginaire, ces créatures oniriques des contes de fées, toute cette symbolique qui constitue le point de départ des rêves...parce que, pour moi, je verrai toujours la part des anges s'échapper de la bouteille à la place d'un processus physico-chimique à la con qu'on appelle évaporation, je chercherai toujours de l'irrationnel et du divin dans la simple évocation d'un fait clairement établi et démontrable. Alors oui, ok, je suis aussi cartésienne, j'aime bien les sciences exactes, m'appuyer sur la certitude rassurante que le carré de l'hypoténuse est bien égal à la somme des deux autres côtés au carré, que sinon je serais vachement emmerdée pour prendre des racourcis, mais tout ça ce n'est rien.

Non, ce qui est important à mes yeux, ce sont tous ces instants d'éternité arrachés à la course folle du temps qui nous emporte et qui nous ramène sans cesse à notre condition. Et ces instants d'éternité, on en a partagé elle et moi. Mais comme elle ne voulait pas que tout le monde sache ce qu'on avait pu vivre, parce que seule une trans peut en comprendre une autre, puisqu'elles empruntent le même chemin, j'ai tout supprimé, à sa demande. Oh, rien d'équivoque ou autre entre nous, juste beaucoup de tendresse. Pas de "cette" tendresse qui vous fait dresser le "neurone" (faut être ou avoir été un mec pour comprendre), non, plutôt une complicité, une connivence, à rapprocher de celle qui vous fait saluer un type que vous croisez sur la route, sans le connaître, uniquement parce qu'il est lui aussi sur une moto. Ben là c'est pareil, c'est ce sentiment d'appartenir à un groupe, à une "tribu", qui nous permet de faire connaissance et de parler d'autre chose que de la couleur de la peinture de la chambre. Et puis à quoi bon essayer d'expliquer à des gens, qui ont déjà du mal à comprendre qu'un mec puisse s'habiller en fille, tout ce que deux transsexuelles peuvent avoir à se raconter, surtout dans un moment aussi important pour l'une d'elles ? Bien sûr qu'on s'est racontées nos vies, nos parcours respectifs, comment ça se passe au boulot, le regard des autres, etc...tout ce qui fait la vie d'une transsexuelle en fait. Et ce que j'en retiendrai principalement, c'est que ce sera une expérience humaine très enrichissante et très chargée émotionnellement, et que je repartirai un peu la gorge nouée, mais en laissant derrière moi une nouvelle amie que j'aprécie beaucoup, et je sais déjà qu'on va se revoir encore, Où et quand, je l'ignore, mais on se promet que ça se fera, pour des vacances très certainement, chez moi ou chez elle, on verra bien, mais de toutes façons on reste en contact, au moins par téléphone.

A bientôt, ma soeur, prend soin de toi, tu me manques déjà...

Et je m'en retournerai, traversant les couloirs, où mes anges déchus, sous un ciel de carbone, aux heures crépusculaires passent de l'autre côté des miroirs....

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