dimanche 24 avril 2016

Solexine et Ganja

Je cherche un hélico pour me déconnecter
pour faire sauter les plombs de la boîte à fausse-donne
Je cherche un hélico quelqu' part pour me tirer
mais j'crois bien qu'les Martiens
m'appellent sur l'interphone
Ganja !

Le blues m'a délatté(e) mais c'est sans importance
quand la bière est tirée il faut finir son pack
Le blues m'a délatté(e) et je trinque en silence
J'fais de l'auto-combustion tout(e) seul(e) dans mon half-track
Ganja !

Et j'traîne dans la galerie en grillant mes traumas
J'en veux à la première qui m'a laissé tomber
Et j'traîne dans cette galerie où ma mère me chanta
no love today bébé my milk is gone away
Ganja !

J'ai mon capteur qui sonne et mes pieds qui s'enfoncent
J'oublie toujours le nom de ces villes où j'suis né(e)
J'ai mon capteur qui sonne et j'ai le cœur qui bronze
J'ai fini par fumer ma carte d'identité
Ganja !

Ma tête a éclaté d'un r'tour de manigoince
moi j'voulais bourlinguer sur cumulo-nimbus
Ma tête a éclaté bonjour l'homo sapiens
si t'as peur de t'mouiller retourne à ton fœtus
Ganja !

Je suis dans l'atelier de Hiéronymus Bosch
avec les yeux drapés de lapis-lazuli
Je suis dans c't'atelier mais il faut que je décroche
les anges font des cauchemars au fond du paradis

Les sergents-recruteurs me demandent au parloir
avec des mégaphones pour compter les élus
Les sergents-recruteurs me jouent le jour de gloire
mais moi j'suis mongolien(ne), chromosomes inconnus
Ganja !


Paroles & musique : Hubert Félix THIEFAINE
Que j'te raconte...attend...

Tu te souviens de mes pérégrinations depuis le début ? T'as vu comme c'est farce la vie des trans, qu'entre les années passées au placard à se demander ce qu'on a et ce qu'on est, à vivre d'expédients vite expédiés, à se fourvoyer dans des trucs avec lesquels tu penses tuer le temps "en attendant", alors qu'ils te font juste oublier que c'est lui qui te tue peu à peu et à petit feu, à la vicelarde, à la sournoise, et qu'ensuite, quand tu crois avoir enfin trouvé la voie, tu auras tellement de saloperies qui te tomberont dessus tous azimuts, ben je te jure que ce n'est pas une sinécure. Avis aux amateuses ! Quoi, on dit amatrices ? Ce que tu peux être tatillon(ne), des fois...

Donc, que je te dise...un peu plus de trois ans sous hormones, tu penses qu'il y a eu des changements notables tout de même. Paraît que ma voix s'est un peu adoucie, sauf quand je m'énerve, mes traits se sont affinés, mes seins, je t'en parle même pas, et si tu te souviens à quoi ressemblait Evelyne Bouix avant d'avoir été refaite, alors tu as pratiquement mon portrait craché. Je te dis ça les yeux dans les yeux, comme Cahuzac avec son compte (est bon) ou comme toutes ces mythos dont on peut lire les "témoignages" sur le net ou ailleurs. M'est avis qu'elles ont confondu les pilules hormonales avec les cachets d'Alka Seltzer pour (m')avoir gonflé autant.

Cadeau, je vous le donne Emile, tout ça ce sont des conneries, tout comme l'hymen qui pousse après ou le risque de tomber enceinte. Pour le premier il est important de bien faire ses dilatations, ça évite ce genre de confusion, et pour le second...comment dire...quand on vous dit qu'un suivi psy est recommandé, ou alors faut arrêter d'aller en pèlerinage à Lourdes. Du coup j'ai bien été obligée d'en passer à nouveau par la chirurgie, parce qu'entre mes deux œufs au plat et ma tronche d'ancien de la manécanterie des petits chanteurs à la gueule de bois, il allait falloir se lever tôt pour qu'on me confonde avec Evelyne, et puis Pierre Arditi c'est pas trop mon type de femme (paraît que j'ai vraiment un faux air, sans rire...pas d'Arditi, hein).

J'ai alors pris rendez-vous avec un éminent spécialiste (un de plus) qui opère à Paris et qui devrait m'arranger ça aux petits oignons. Bon, il a l'air sympa et jouit (le veinard) d'une bonne presse auprès de la communauté trans, et puis même s'il ne jouissait pas, c'est pas ce que je lui demande de toutes façons. A nouveau des tonnes d'examens pré-opératoires, je me fais tirer le portrait sous tous les angles, en 3D et en gévéacolor (l'argentique c'est fantastique...), et puis on fixe la date pour l'intervention combinée chirurgie faciale - mammoplastie.

Pour cette dernière, et vu que je remplis les critères (c'est à dire que pour les remplir il faut justement ne pas remplir, c'est farce, je trouve), une demande d'entente préalable auprès de la sécu devrait m'octroyer la prise en charge, toujours ça de moins à débourser. Je suis néanmoins convoquée par le médecin conseil de l'assurance maladie qui confirme que je ne remplis pas et donc que je remplis (attend, tu vas voir, ça se complique encore un peu ensuite...te lève pas pour aller pisser ou tu ne vas plus rien comprendre en revenant si t'en as raté une partie).

"L'ennui c'est qu'il y a un os" me dit le toubib. "Ah bon, lequel ?" m'enquiers-je aussitôt auprès de lui. "Votre carte de sécurité sociale commence toujours par 1 et votre état civil n'a pas encore été modifié. Si vous aviez fait cette demande en tant que femme et avec un 2, celle-ci aurait pu être prise en considération, mais dans le cas d'espèce..." (cas d'espèce, cas d'espèce, tu vas voir si j'ai une gueule de cas d'espèce). Bon je lui bonnis les formalités d'usage, comme quoi je suis sous ALD31, dans le cadre d'un programme de changement de sexe, tout ça, et je lui fais bien comprendre l'inanité de sa remarque en lui faisant remarquer qu'à ce compte là un mec n'a pas vraiment besoin non plus de vaginoplastie (faut être logique), et que s'il fallait attendre le changement d'état civil pour se faire opérer, quand dans le même temps la plupart des tribunaux exigent cette opération pour se prononcer sur ce changement, on risquerait d'attendre jusqu'à la Sainte Conchita Wurst, celle qui a une barbe, comme Sainte Wilgeforte (mais qui elle n'a pas gagné l'Eurovision...demande à Boutin, elle te dira).



Quand je te dis qu'ils font rien qu'à m'embêter, tu me crois maintenant ? En plus j'enrage quand je pense à toutes celles qui ne veulent pas se faire réassigner sexuellement mais pour qui ce type d'opération est prise en charge en deux coups les gros (les très gros même, parfois). Je ressors, la queue entre...enfin dépitée quoi, non sans lui avoir dit que je n'étais plus étonnée, à force, qu'il y a vraiment une médecine à deux vitesses et que j'ai la malchance de toujours être au point mort en ce qui me concerne. Tu comprends mieux le choix de la chanson d'Hubert quand tu décortiques les paroles, c'est tout moi je te dis, fallait pas que j'essaye des substances improbables. Et puis en fin d'après-midi le miracle se produit : coup de bigo à la maison et on m'annonce que finalement, tout bien considéré et eu égard à ce que tu veux, la sécu accepte l'entente préalable. Faut quand même toujours se battre pour le moindre truc, c'est fatigant à la longue.

Le 29 avril je rentre donc à la clinique et j'en ressors le lendemain matin, momifiée encore une fois, qu'on dirait un lapin crétin de Pâques, et avec un bandeau ultra serré pour maintenir deux protubérances qui tendent le tissu de ma robe (pourtant je l'avais prise large). En fait j'ai toujours des œufs au plat mais ce sont maintenant des œufs d'autruche, pour te donner une idée. Mais pour tout t'avouer, c'est pas la joie, j'ai mal partout, un peu comme si un bus m'était passé sur le buste, et les cicatrices sous les aisselles m'obligent à adopter l'attitude de quelqu'un qui aurait des oursins sous les bras, ce qui ne poserait aucun problème à un fort des halles, mais qui est totalement incongru quand tu as une petite robe à pois. Heureusement j'ai mon ami d'enfance qui est venu me chercher en voiture à la sortie et qui va s'occuper de moi avec sa fille, le temps qu'on m'enlève les pansements lors de la première visite de contrôle, une semaine après.

Là, le chirurgien paraît satisfait, même si tout n'est pas encore bien en place, mais ça prendra du temps et on se revoit dans six semaines. Quant au visage, il m'explique en gros qu'il m'a raboté le front, les arcades, qu'il a descendu le "scalp" d'environ deux centimètres, me laissant une cicatrice à la base des cheveux et de chaque côté du crâne qui ferait pâlir de jalousie la créature du Dr. Frankenstein. Je repasserai plus tard pour la deuxième couche, à savoir le nez, les pommettes, plus deux ou trois trucs techniques, qu'il n'a pas pu faire en même temps que le reste car ça aurait entrainé trop d'hématomes et de risques de complications. C'est vrai qu'en parlant d'hématomes, je peux d'ores et déjà m'inscrire au prochain concours de zombies, et tout ça sans maquillage, espère. J'ai la tête comme un compteur bleu, les paupières violettes et tellement gonflées qu'il faudrait que je songe à me munir d'une canne blanche, une énorme trace de strangulation comme dans les films policiers, plus toutes les couleurs de l'arc-en-ciel sur le visage, comme si j'avais dormi sur le rainbow flag alors qu'il venait d'être repeint.

C'est sûr que là je ne passe plus inaperçue, ce qui me donne même une idée amusante pour dédramatiser tout ça. Lorsque mon pote et sa fille me ramènent à la maison et qu'on fait une petite halte dans un resto familial, l'idée me vient de le faire passer pour mon mari (j'ai toujours eu des idées à la con). Et au moment où la serveuse se radine avec les plats, je m'adresse à sa fille en lui disant : "Ma chérie, tiens-toi bien à table ou sinon ton père va encore se fâcher et c'est maman qui va encore prendre." La salle étant pleine d'habitués, je te dis pas l'effet produit, mais avant que mon pote ne se fasse lyncher, j'ajoute à l'attention de la serveuse : "Je plaisante hein, je suis juste tombée dans l'escalier." Du coup on n'a pas pris de cafés...

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