dimanche 24 avril 2016

When Maurice meets Alice

I was reborn on may, the 29th...

"Tu enfanteras dans la douleur", qu'il disait l'autre con, ben pas seulement...et puis la première chose qu'on te fait en naissant, c'est d'emblée la claque sur les fesses, histoire de te faire crier un bon coup pour voir si t'es prêt à encaisser tout ce qui t'attend plus tard. Si j'avais su j'aurais fermé ma gueule la première fois, juste pour retenir ma respiration comme le sale môme que j'étais, jusqu'à ce qu'il m'arrive quelque chose. Mais tu vois comme on peut être conne parfois : bien que déjà échaudée j'en ai redemandé...faut croire que j'étais maso finalement, et que je n'ai pas pris assez de baffes.

Alors du coup j'ai tendu ma carte d'adhérente, parce que tu vois, j'y avais droit au grand cirque, que l'ordonnateur des pompes funestes venait de contrôler et poinçonner mon ticket, tout bien donc, et puis dit, oh, eh, j'ai pas fait tout ça pour renoncer à la porte du bloc, j'aurais l'impression d'être montée avec une professionnelle et de m'apercevoir que j'ai oublié mon larfeuille dans mon lardeuss à la réception de l'hôtel, juste avant de me le faire chouraver par un gonze.

Bref, me voilà donc à la croisée des chemins...croisée mon cul ! C'est pas maintenant que je vais prendre la première à droite et me débiner, et puis ce chemin ça fait deux ans et demi que je l'ai emprunté, et le pire c'est que je suis impatiente en plus...à quoi peut bien penser le veau quand il est à l'abattoir ?

Non, parce qu'il faut quand même que j'explique bien les choses, en dehors de toute considération romantico-mystico-masturbatoire, qui font passer les œuvres complètes de Barbara Cartland pour la vie érotico-yaourt de Sacher Masoch, et que vous sachiez qu'en fait de saut de l'Ange, c'est plutôt le saut dans le vide qui m'attend, Alice au pays du Vermeil, tout ce qui brille n'est pas or. Alors attachez vos ceintures, rajustez vos bandages herniaires, on descend au fond du trou, et si vous apercevez le lapin blanc, c'est que vous croyez encore au père Noël.

Déjà ça commence à l'arrivée de l'avion, à peine le temps de poser les valdingues à l'hôtel, après 12 heures de vol tout de même, qu'on vient me chercher pour être présentée au chirurgien. Bon, point positif, c'est que c'est vraiment le pays du sourire, ça détend...un temps, vu qu'il y a déjà un os avec ma pomme, ou plutôt du mou dans la corde à nœuds. Voilà t'il pas qu'on m'annonce comme ça que je manque de peau (c'est pas de bol) pour me confectionner un minou avec toutes les options et le wifi à chaque étage, et que j'ai juste de quoi m'offrir un truc en trompe-l'oeil, avec une profondeur ridicule et quasi inexistante. A ce compte là, je pouvais tout aussi bien m'acheter un Vagina-string pour une centaine d'euros (ils en font même avec le kit pour menstrues en sus...enfin, en sus, moi perso j'y mettrais pas la bouche). Et dire qu'à Bordeaux l'autre pomme à l'huile se faisait fort de me faire un truc que rien qu'en écartant les cuisses on pouvait voir mes amygdales.

Bon alors je fais quoi ? Alleluia (enfin plutôt แอลิลยู - ยะ, on est à Bangkok), il existe une solution, moyennant une...rallonge (logique, comme son nom l'indique). Casse la tienne ! Au point où j'en suis... On va donc me prélever de la peau au creux de l'aine (et me prélever de l'oseille au creux du bas de laine) et si tout se passe bien, sans faire de l'ombre à Gloria Lasso, je devrais pouvoir m'en sortir plutôt honnêtement. Pour fêter ça, je vais passer les quatre jours qui me séparent de l'opération avec une bonne diète, soupes et laxatifs, et puis arrive enfin le jour "J".

On vient me chercher à l'hôtel pour 13h et me voilà à pied d'œuvre dans une chambre d'hosto, où je me repose jusqu'à 15h...ça me fait penser à la séance de cinéma à laquelle tu t'es pointée au tout début et que tu dois te farcir les pubs à la con avant que le rideau ne s'ouvre. Pas de douche à la Bétadine, c'est vrai qu'il ne fait que 35° et qu'on arrive à la saison des pluies, et je pénètre enfin dans le "Saint des seins". On me demande de m'allonger sur une table, les bras en croix, et je vois un type en vert avec un masque qui agite une seringue en me disant "dormir, dormir" en se fendant la poire, ce qui a pour effet de lui resserrer la bride sur les yeux. In petto je me marre (pas la première fois qu'on m'anesthésie, 27 ans de boîte, on est habitué à force) et je me mets à compter 1, 2, 3, 4 en anglais, ce qui me semble durer une éternité, c'est vrai qu'ils comptent en pouces, ces cons de rosbifs, c'est pour ça. Et puis enfin le silence...

Réveil. Qu'est-ce que je fous là, déjà ? Ah oui, ça me revient...ça me revient même très bien, vu que je sens comme une grosseur entre les jambes...m'ont collé un méga pansement, que pendant un moment un doute m'assaille, complètement irrationnelle, la fille...non, ils ne se seraient tout de même pas gourés ? N'empêche, cette méga bosse me file le traczir...vivement dimanche, que je puisse voir ce qu'on m'a fait au juste. Et puis comme tout vient à point à qui sait attendre, et depuis le temps que j'attends, arrive le jour où... Bon, à dire vrai, je ne vois pas grand chose, à part des tuyaux en plastique souple et transparent dans lesquels circulent des fluides aux couleurs incertaines, qui partent du dessous du pubis pour se répandre dans des flacons où stagnent des remugles d'outre on ne sait quoi et des pestilences qui s'écoulent en silence...pas le genre de piscine dans laquelle on aimerait piquer une tête, fût-elle de nœud. Quatre jours après, me voilà donc "démomifiée", mais pas le temps de m'attarder sur le résultat, on m'habille, on me prépare, et je me retrouve dans la voiture qui me ramène à l'hôtel sans trop avoir eu le temps de comprendre ce qui m'arrivait.

A la réception, je commence à accuser le coup et je manque de peu d'aller respirer la moquette...punaise, c'est quoi ce spectre que je vois dans la glace ? Ah mince, c'est moi dis donc...pas bandante la Caro...bon, ils me filent ma clef oui ou merde ? Enfin ! On monte, enfilade de couloirs, la porte qui s'ouvre, "thank you very much et bien le bonjour à madame...ah c'est monsieur ? Embrassez-le sur la fesse gauche de ma part et soyez heureux."Ouf, enfin seule, je m'écroule sur le lit, reprendre un semblant de couleurs le temps d'une heure ou deux, et puis je me décide à affronter mon destin. Roulement de tambour...ah ben non, c'est juste le bruit de mes intestins qui me rappellent à leur bon souvenir et à priori ça urge. Faut les comprendre aussi, quatre jours d'hosto et de soupes de maïs, sans compter le choc opératoire et les bouleversements annexes, normal qu'ils aient envie de s'exprimer...surtout maintenant que je n'ai plus le principal pansement qui me couvrait tout l'entresol, il n'y a donc plus de danger (et puis je commençais vraiment à ne plus pouvoir me retenir). Et dire que les infirmières me disaient qu'il ne s'agissait en fait que de gaz...heureusement que je me connais et que j'avais bien anticipé la grosse catastrophe, j'imagine faire "poh-poh on the bed" comme elles me le conseillaient...à coup sûr je repeignais la chambre à la couleur de leurs blouses (donne du maïs à une oie et tu auras une idée de la teinte et de la texture). Le monde appartient à celles et ceux qui arrivent à maîtriser leurs sphincters, même au prix d'atroces douleurs, et pour une fois le slogan des abrutis de la Manip pour tous m'aura aidé à tenir bon..."on ne lâche rien !" Désolée d'insister lourdement sur l'aspect scatologique, mais si ça peut rendre service à de futures candidates, car ce sont des choses qui peuvent arriver...

Bref, après avoir retrouvé le sens des priorités, si je revenais enfin à mon saut de l'Ange (vu que c'est quand-même pour ça que je suis venue jusque là, même si pour l'instant j'ai le sentiment d'avoir foiré l'atterrissage). Bon alors que je vous dise : d'une, c'est joli...de deux, c'est très joli...de trois, c'est mieux que ça en fait...c'est le genre de chose que tu regardes et tu n'as rien d'autre qui te vient à l'esprit que "WOW"...mélange de délivrance, bonheur, joie immense, le truc qui te laisse sans voix, juste ce "WOW" que tu oses à peine bredouiller tellement c'est too much. J'en avais rêvé, Sony ne l'a pas fait mais j'en reste tout de même comme deux ronds de flan : putain, tu sais quoi ? Ben c'est juste miraculeux, que si je n'avais pas peur d'éclater la poche de ma sonde urinaire je tomberais à genoux subito, urbi et orbi et tutti frutti. Approche un peu que je te pince, pour voir si je ne rêve pas...tu as eu mal ? Merci, c'était donc vrai.

Pour être tout à fait honnête, c'est surtout la vulve d'ens...pardon, la vue d'ensemble (quoique ça revient au même) qui est agréable à l'œil. Pour le reste, il faut avouer que c'est un peu les entretiens de Bichat, mâtinés de Ridley Scott, entre les cicatrices sanguinolentes et boursoufflées, les tuyaux qui se perdent dans mes profondeurs (faudra que j'approfondisse ça plus tard), des trucs jaunâtres, rosâtres, bleuâtres, tiens, si je te disais, "couleurâtres" même, tu vois ? Enfin bref, rien de bien engageant, mais seulement quatre jours après une lourde opération qui a duré 6h30, faut pas trop en demander non plus. Néanmoins, c'est vrai qu'au-delà de tout ça, le travail est plutôt bien fait et laisse présager des lendemains qui chantent. Bienvenue par minou, je l'ai fait et je suis la plus heureuse des femmes.

Je reste sur mon nuage trois jours durant, et puis le deuxième instant de vérité pointe le bout de son nez : on m'enlève le conformateur. C'est un truc qu'on retrouve sous plusieurs formes en fonction des latitudes, allant d'une sorte de ballon gonflable à une grosse motte d'étoupe (pour les plus rustiques) et qui sert en fait à maintenir la forme du néo-vagin...un peu comme un embauchoir. Chez moi, ce conformateur est constitué d'un long chapelet de sortes de petites "saucisses" ressemblant à des tampons, que l'infirmière déroule, déroule, et déroule encore...dis, ça s'arrête quand ? Curieuse impression, pas l'habitude encore, qui s'accompagne en plus de petits tiraillements, la sensation étrange qu'un Torquemada de Prisunic s'emploierait à vouloir à tout prix me faire avouer où j'aurais bien pu cacher le saint graal, en m'enlevant la tripaille pour vérifier.

La Nature ayant horreur du vide, et à fortiori les opérations contre nature, comme disent les "pas transphobes mais...", qui c'est qui va avoir droit à la grosse gâterie ? Aussi sec, non sans l'avoir lubrifié au préalable (que sinon je vous raconte pas), ma petite infirmière m'introduit le dilatateur neumbère ouane at the right place, en me prodiguant des conseils utiles, tels que "push, push...you have to relax". Relax, relax...facile à dire, t'as déjà essayé de rentrer dans du 36 quand tu fais du 42 ? Ben là c'est pareil et j'espère que les coutures vont tenir, surtout que c'est de la confection asiatique, quand on y pense. On va la jouer Fight Club : je suis la somme des souffrances de toutes les femmes que des soudards ont prises sans préliminaires...comme je vous comprends à cet instant précis, mes sœurs. Et puis une douleur un peu plus forte que les autres annonce la fin du voyage. Terminus ! Personne ne descend. Ma sympathique défloratrice saphique asiatique et un brin sadique (rhâaaah lovely) me demande le "miror", c'est pourtant pas le moment d'astiquer l'argenterie, les bijoux de famille étant désormais aux abonnés absents, et elle me lance un "look !" triomphant. Alors je looke, voyez-vous, et ce que je vois me laisse sans (voix...suivez, merde).

Comment dire, sans tomber dans le scabreux...ça va pas être simple, alors scabrons, scabre au clair ! . Z'avez déjà vu un iceberg ? Sachant que la partie émergée d'icelui représente à peu près 10% de sa taille totale, sachant qu'on n'aperçoit une portion que d'un pouce et demi du dilatateur, compte-tenu de la loi de Boyle-Mariotte, du principe d'Archimède, et sachant que ledit dilatateur a une longueur totale de huit pouces, amuse-toi à trouver l'âge du capitaine. La vache ! Z'êtes sûrs que c'est bien moi ? Déjà qu'à l'époque, avec un simple thermomètre j'avais quelques réticences, là on est carrément dans la 4ème dimension. En tout cas je saurai où planquer mon artiche à présent. N'empêche, je suis gravement impressionnée. Les bonnes choses ayant toutes une fin, l'infirmière me libère les voies du saigneur, lesquelles sont justement pénétrables, je viens d'en avoir confirmation à l'instant. Tiens, en parlant de sang, et là c'est beaucoup moins glamour, j'ai gagné un abonnement d'au moins un an chez Always, selon ce que me fait comprendre l'infirmière, c'est que c'est long à cicatriser, ces petites choses là.

Alors voilà, j'ai enfin eu ce que je voulais, et globalement c'est plutôt du beau travail, même si je n'ai pas fini d'en baver, entre les dilatations quotidiennes à effectuer, les diverses pertes en tout genre, qui feraient passer la petite culotte de Gloria Lasso pour l'immaculé saint suaire, les douleurs, la dépression post-partum, la fatigue, etc*. Tant pis, i did it ! Me reste plus qu'à lui trouver un petit nom...


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