dimanche 24 avril 2016

Exil sur Planète fantôme

Vous avez tous vu le film "Avatars" ? Avant d'avoir vu la bande-annonce, je me disais comme ça "tiens, chouette, un film qui va parler des mondes virtuels, des avatars qu'on y trouve, des relations fusionnelles qui existent entre la personne qui est derrière le clavier et le petit personnage qu'elle incarne dans des mondes tels que "Second Life" ou "IMVU", les interactions entre le virtuel et le réel, etc..." Et puis non, c'est juste un film américain à grand spectacle, avec des effets spéciaux à la "Star wars", divertissant mais loin du film un peu plus "psychologique" que le titre pouvait me laisser espérer. Tant pis, mais ça aurait été sympa si le sujet du film portait sur ces fameux mondes virtuels qu'on trouve sur internet, d'autant que ça fait plusieurs mois que je me suis inscrite sur l'un d'eux.

C'est une copine transgenre qui m'a fait découvrir ce truc là. C'est un chat virtuel, un peu comme tous les réseaux sociaux, mais en 3D, avec un personnage animé qui nous représente, au milieu de décors sympas...assez réaliste pour donner l'illusion. On choisit son personnage, son avatar de base, et puis on l'améliore avec des fringues, des accessoires, etc... Ensuite, il ne reste plus qu'à se promener dans les divers salons de discussion et faire connaissance. On trouve de tout sur ce site, sachant en plus que l'anonymat garanti par l'avatar censé nous représenter permet toutes les "fantaisies" possibles. En gros, on peut être un homme, une femme, un ours en peluche, un vampire ou tout ce qu'on veut, se faire passer pour qui on veut...beaucoup plus "fun" que les sites de rencontre ou autres.

Je me suis donc inscrite sur ce site en tant que femme (il n'y avait pas l'option transsexuelle) et j'ai commencé à discuter avec des gens un peu partout dans le monde, principalement aux USA au début. Et puis très vite je me suis mise à fréquenter des filles comme moi, transsexuelles, transgenres et assimilées, du moins pour celles qui acceptaient de tomber le masque, et j'ai eu l'idée de de créer mon propre salon de discussion, ma "room" comme on dit, un endroit dédié aux "filles" en général, qu'elles soient bios ou autres. Pour l'anecdote, ma "room" a une règle très simple à respecter si on veut pouvoir y entrer : avoir un avatar de fille ou habiller son avatar masculin comme une fille. Sachant que la plupart des discussions que je peux avoir avec mes "invités" tournent autour des thèmes relatifs au transgendrisme en général, c'est un moyen comme un autre de "sélectionner" à l'entrée. Je connais des copines qui profitent de ce site virtuel pour pouvoir s'exprimer face à d'autres personnes, par avatars interposés, et je ne tiens pas à ce qu'elles soient enquiquinées par des abrutis aux idées étroites. J'ai pu observer que les rares mecs qui acceptent cette règle et qui jouent le jeu du "travestissement virtuel" sont en général des gens assez cools et ouverts. Pour les autres, il faut croire qu'un bout de tissu virtuel doit avoir un certain pouvoir castrateur et ils ne le supportent pas, donc on ne perd rien à ne pas les connaître mieux, finalement.

C'est ainsi que je me suis peu à peu investie dans cette "mission" d'écoute des autres, car il faut bien se dire quelque part que des gens qui passent une grande partie de leur temps sur ce genre de site, c'est qu'ils se nourrissent de rêves, d'une autre vie "fantasmée", et qu'ils sont souvent en quête "d'ailleurs" inaccessibles, d'horizons lointains, de paradis artificiels...après tout, c'est un peu ce que je recherche aussi, même si j'essaye de tout mettre en oeuvre pour ne pas rester sur le quai à regarder partir les trains pour d'autres destinations. Alors bon, j'ai donc passé des nuits à communiquer avec le monde entier, vu qu'il est toujours plus facile d'aller voir ce qui se passe à l'autre bout de la planète que chez ses voisins de palier. J'ai rencontré un peu de tout, des gens vrais, des gens faux, des gens bons (oui bon, ok), mais surtout des gens seuls et qui en finissent un peu à vivre par "procuration". C'est aussi un peu le "danger" de ces trucs là : rien n'existe plus autour, c'est mieux qu'un film dans lequel on se projette puisqu'on est acteur de sa propre vie virtuelle, et paradoxalement on se retrouve à avoir des tas d'amis virtuels mais aussi à se refermer un peu plus sur tout le reste.

Et pour peu qu'on soit un peu plus fantasque que les autres, un peu trop rêveuse, on pourrait dire un peu trop immature (vous avez envie de vieillir, vous ? moi pas), cette vie virtuelle prend petit à petit le pas sur l'autre, comme une véritable addiction. Dans ces mondes fantasmagoriques, pas d'impôts, pas de taxes, pas de douleurs articulaires, rien de tous ces trucs qui nous pourrissent la vie au quotidien...sea, sex and sun, en somme, ad vitam aeternam....mais aussi ad nauseam, car quand on finit par céder à la fatigue, qu'on détache ses yeux de l'écran et qu'on reprend pied lentement dans l'autre monde, celui-ci apparaît alors de plus en plus terne à mesure qu'on se laisse prendre au jeu. C'est exactement le même phénomène qu'avec la drogue, on s'évade, on plane, de plus en plus haut, de plus en plus loin, de plus en plus fort....mais la redescente est toujours plus terrible à chaque fois. Alors on y retourne, pour échapper à la réalité...là-bas au moins, j'ai toujours 20 ans, je suis une fille avec un corps de rêve, qui fréquente des endroits de rêve, qui fait des rencontres de rêve...Tiens, je serais politicard, je mettrais une taxe sur les rêves...étonnant qu'ils n'y aient pas encore pensé.

Et encore, chez moi ça s'explique un peu : c'est plus rapide que le THS et l'opération de réassignation sexuelle, sans risque de dommages physiques, sans avoir besoin de passer des heures devant la glace à essayer de me faire plus femme que je ne suis actuellement. C'est comme un avant-goût de ce qui m'attend pour plus tard. Quand vous voulez acheter une cuisine ou une salle de bains, le type en costard-cravate rentre toutes vos mesures dans son ordinateur et il vous sort votre futur modèle en 3D, qu'on pourrait presque déjà sentir le frichti qui mijote. Ben là c'est pareil...enfin, pas pour le frichti. Vivement qu'ils aient le même logiciel dans les cliniques de chirurgie esthétique...





Encore plus fort, et pour dire à quel point l'image qu'on renvoie aux autres est importante (et mort aux cuistres qui nous bassinent sans arrêt que ce qui compte c'est la beauté intérieure...les gueux...ou que l'argent ne fait pas le bonheur...je me marre...la vérité c'est qu'ils sont fauchés et qu'ils se tapent des thons, puisqu'il faut bien leur ouvrir les yeux). Bon, qu'est-ce que je disais ? Ah oui, ça me revient : bien qu'ayant un avatar de fille, je n'ai jamais caché qu'en réalité j'étais transsexuelle, puisque c'est marqué noir sur blanc sur mon profil. Donc on sait à quoi s'attendre, et si ça ne suffit pas, je le précise toujours. Et pourtant la plupart des gens que j'ai rencontré en ont toujours fait abstraction et m'ont toujours considérée comme une femme, sans parler de ceux qui me trouvaient "bêêêlle" (je ne suis pas légionnaire, je tiens à le préciser). Tout ça parce que je me suis construite un avatar sympa, et peut-être aussi un peu à cause de ma sensibilité (laissez-moi y croire un peu, ça ne vous coûtera rien et ça me fera plaisir). Alors si on peut tomber amoureuse d'une image virtuelle, d'un amas de pixels, je vous laisse imaginer...et sur ce genre de sites, les "histoires d'amour" sont légions (j'ai dit que je n'étais pas légionnaire)...pardon...elles sont multiples (merci^^).

Tout ça pour dire quoi en fait ? Qu'il ne faut pas rêver sa vie mais vivre ses rêves, dans la mesure du possible. Don't dream it, be it (pour ceux qui connaissent le film...ce Tim Curry, quel homme^^). Entre les deux, j'ai choisi. Oh, ce ne sera pas tout à fait le même rêve que celui que je "vis" à travers mon avatar (la femme qui est dans mon lit n'a plus 20 ans depuis longtemps...je parle de moi...ma femme aura toujours 20 ans à mes yeux), mais j'aurai au moins essayé de m'en approcher le plus possible...Vivez vos rêves...

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