dimanche 24 avril 2016

Gynécées (en duo avec personne)




Alors j'y suis enfin, après deux ans et demi de parcours atypique...

Commencé en "free lance", puis protocole officiel, commission médicale et l'accès au "sésame" qui m'autorise à être opérée en France, le tout pris en charge par la sécu...opération programmée, tout bien...et puis bon, le doute qui s'installe, les deux rendez-vous avec le chirurgien (qui va tenir ma future vie entre ses mains) qui ne se passent pas super bien, à croire que ça l'emmerde.

Au premier, j'ai droit à "ah ben je n'ai pas votre dossier, il n'est pas signé", et devant ma consternation, la réponse qui tue : "c'est pas le supermarché du changement de sexe ici" (véridique)...pourtant j'étais venue toute timide, pas revendicative pour deux ronds, attendant juste une date après la commission, histoire de me préparer. "De toute façon, je n'opère pas les gens avant de les avoir vu au moins 3 fois, mais s'il n'y a que ça pour vous faire plaisir, on se revoit en février et je vous l'aurai signé." Fin de l'examen...pardon, de l'entretien (je te tiens, par les coucougnettes). Tiens, en parlant d'examen, il n'a même pas jeté un œil sur la "marchandise"...passons, c'est lui le spécialiste après tout.

Arrive donc le deuxième rendez-vous de février, c'est à dire le 25 mars (cherchez pas, c'est comme ça), et là, changement de ton par rapport à la première fois. Il m'accueille avec le sourire, me dit comme ça que "vous voyez, tout s'arrange, votre dossier est signé". Cool, je me sens hyper rassurée, que pour un peu c'est comme si j'étais déjà opérée, c'est dire. Bon, mais sans rire, c'est prévu pour quand ? "Comprenez que vous n'êtes pas la seule, entre les jours fériés, tout ça, j'ai un planning chargé, alors disons en septembre, ça vous va ?" Ben oui, au moins j'ai une période donnée, je vais pouvoir prendre mes dispositions. "Donc va pour septembre, je vous opèrerai le 14 octobre." Sacré déconneur, sans compter qu'il me dit tout ça avec l'air de s'en foutre royalement.

Je crois que c'est à ce moment là que j'ai pris ma décision d'aller finalement me faire opérer à l'étranger, sachant que là encore il n'a pas jugé utile de m'examiner (pourtant j'avais mis une culotte propre, vu qu'on était un lundi...le vendredi j'aurais compris encore).

Voilà donc pourquoi je me retrouve à Bangkok. Ca va me coûter un bras (enfin façon de parler, mon bras va bien, lui), en plus j'ai la phobie de l'avion de ligne (sacré baptême de l'air), plus le fait d'être séparée de la femme de mes vies pendant près d'un mois, plus toutes les ondes négatives qui m'accompagnent (j'ai tellement d'amis), bref, que du bonheur...heureusement que c'est plus qu'une simple opération de réassignation sexuelle pour ma part, car je crois toujours à ce saut de l'Ange, et il faut avoir la foi chevillée au corps pour continuer à rêver dans ce monde de cons, je vous prie de croire.

Mon opération est prévue le 29 mai, comme quoi le destin est facétieux parfois, vu que c'est ce même jour que sera célébré le premier mariage homo en France...ça va sûrement faire plaisir aux "pas homophobes mais...", en tout cas c'est plutôt de bon augure...

Bon j'avoue, je flippe un peu tout de même, sans parler des joies pré-opératoires, moi qui me faisait une joie de goûter la cuisine thaïlandaise, j'ai juste droit à des soupes déshydratées à la tomate, arrosées de laxatifs...transsexuelle est un sacerdoce, moi je vous le dis. Enfin, je me rattraperai dès que j'aurai l'autorisation de manger à nouveau (le buffet va y passer).

Sinon les gens d'ici sont charmants, c'est vraiment le pays du sourire, ça change des gueules de raies qui ont envahi les rue de Paris ce dimanche de fête des mères. Je suis contente d'avoir pu aller me recueillir sur la tombe de ma maman avant mon départ, de lui avoir expliqué ce que je m'apprêtais à faire, j'ai beau être athée, je pense qu'elle m'a entendue...j'aurais tant aimé pouvoir le lui dire avant, je sais qu'elle aurait compris, qu'elle aurait aimé sa deuxième fille comme elle a toujours aimé ses enfants, comme seule une mère digne de ce nom est capable de le faire, et malgré les "tares" dont ils sont parfois affublés.

Me voilà donc seule dans cette chambre, à quelques heures de l'opération de ma vie, ma puce n'ayant pas pu venir, on ne fait pas toujours ce qu'on veut, déjà bien difficile de faire ce qu'on peut... Je ne dirai jamais assez à quel point elle est courageuse d'avoir à affronter tout ça elle aussi, l'angoisse de la distance, la peur qu'il puisse m'arriver quelque chose sans pouvoir être à mes côtés...mon petit bout de femme que j'aime...il me tarde d'être à nouveau contre toi...

Si tout se passe bien, en principe je me réveillerai de l'autre côté, terra incognita, continent encore vierge qu'il me faudra explorer et découvrir peu à peu, je pense que j'aurai des sentiments mêlés, entre joie immense et appréhension, j'ai encore du mal à l'imaginer. Tout ce que je sais, c'est que je vais avoir du mal à trouver le sommeil cette nuit...alors beaux rêves éveillés à toutes et à tous, enfin les êtres humains...


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