dimanche 24 avril 2016

Les dingues et les paumés

Bonjour...

Bon ben voilà, je suis allée à la soirée d'enterrement de vie de garçon de Chloé, et du coup je me suis retrouvée entourée de plein de gens bizarres...des gens qu'on n'a pas trop l'habitude de fréquenter en temps normal...comment dire...des gens bizarres quoi...vous voyez ce que je veux dire ? Non ?

Mais si, vous savez bien, ces gens qui ont un truc en plus...ah le nom m'échappe...le truc là, qu'on ne remarque pas chez les autres gens normaux (qui par définition ne sont pas bizarres), car eux n'ont pas cette particularité...le truc trans-machin, lgbt-chose, ou hétéro-bidule, comme ils appellent ça...oh c'est trop bête, je l'ai sur le bout de la langue...le même truc qu'on trouve sur certains forums (remarque, avec tous les gens bizarres qui les fréquentent, c'est pas étonnant), ce truc là :



Vous voyez maintenant ?

Bon, au début ça surprend un peu, mais on s'y fait très vite...

Donc je me suis pointée toute à trac en milieu d'après-midi après le taf du matin (chagrin) et j'ai été accueillie par Chloé tout naturellement...première fois que je la voyais en chair et en os...ça fait drôle de pouvoir toucher en vrai des gens bizarres, mais ça ne m'a pas déclenché d'éruption cutanée (j'appréhendais un peu, avec tout ce qu'on voit à la télé). Puis elle m'a présentée à Marie, sa compagne, puis à deux autres nanas qui se trouvaient là aussi, une certaine Alexandra et son amie Andréa, dont j'avais aussi fait la connaissance sur facebook (les deux plus bizarres du lot en fait...si je vous disais ce qu'elles m'ont forcée à faire). Ben tiens, je vous le dis.

Figurez-vous qu'au bout d'un moment, elles ont eu l'idée bizarre d'aller faire un tour en ville et qu'elles m'ont proposée de les accompagner, alors que le soleil n'était pas encore couché (si si, il y a du soleil en Bretagne, c'est juste les nuages qui sont plus gros qu'ailleurs). Nan mais oh, y en a qui ont de ces idées, la ville je connaissais déjà, mais pas en plein jour, et quand on est bizarre, c'est plutôt la nuit qu'on doit sortir, sinon où va-t'on, je vous le demande ? Ben où on est allées justement, c'est chez Camaïeu, sauf qu'il a fallu qu'on marche un peu beaucoup au milieu des gens normaux, parce qu'en plus Alexandra s'était garée assez loin du magasin (quand on est bizarre, on n'a pas le sens de l'orientation, c'est bien connu).

Nous voilà rendues (enfin) au magasin. Ah mince, dis, c'est vachement sympa de pouvoir déambuler dans les rayons autrement qu'en androgyne...j'en oublierais presque mon grand nez...c'est pourtant pas les miroirs qui manquent, en plus, et niveau éclairage, doivent avoir de sacrées réductions chez ERDF, tu en prends plein les quinquets, que si c'étaient des lampes à incandescence, tu bronzerais en 5 minutes. Bon, et puis après le passage à la caisse, nouvelle immersion au milieu des gens normaux pour regagner la voiture (déjà ?). Le vent doit s'être un peu levé pendant le trajet, un vent glacé et mordant, qu'à un moment je dois même marquer une pause, vu que j'ai les yeux qui piquent un peu...pas à dire, c'est pas le même climat que chez moi. Heureusement, Andréa et Alexandra me font comme un rempart, histoire de me réchauffer, mais leur technique ne doit pas être au point parce que les yeux s'embuent de plus belle...ça doit être le choc thermique ou un truc comme ça...c'est bizarre la physique, parfois.

Bon et puis retour chez Chloé, d'autres invités commencent à arriver petit à petit, il y a un peu de tout, c'est très "cosmopolite" comme dit Alexandra, mais globalement surtout des gens bizarres, toutes tendances confondues. On se présente, on boit un verre, on fait la navette entre le salon et le fumoir, on se raconte nos vies, nos parcours, entre deux petits fours...ah oui parce qu'il faut dire que Chloé et Marie ont bien fait les choses, il y a un buffet super sympa, l'ambiance, elle, est géniale (pourtant pas très à l'aise en ce qui me concerne, je me méfie de tous ces gens bizarres). Je discute tout de même avec Christine, Marine, Pascal, Jessica... pour un peu Vincent, François, Paul, et les autres...tiens, c'est exactement ça, des tranches de vie prises caméra sur l'épaule, où on se fout de la lumière ou du son, une gentille pagaille au milieu de laquelle on évolue sans but apparent, des destins qui se croisent et se recoupent parfois, des histoires vraies, les choses de la Vie, et quelle vie, tout ça...et merde, dis, déconne pas, c'est pas le moment de penser à la musique du film, surtout que je dois rentrer en voiture tout à l'heure et qu'il y a du brouillard tout le long, et l'accident en pleine nuit, fringuée comme je le suis, j'ai déjà goûté, merci (faudra que je vous raconte, à l'occasion).

Bref, tout ça pour dire que je me prends encore à parler de moi à tous ces gens bizarres (il y a même un couple d'hétéros non trans, vous dire à quel point il pouvait y avoir de gens bizarres à cette soirée). A un moment, je vois même une fille apparaître sur un écran d'ordinateur via une webcam (c'est dingue, ils sont vraiment partout ces gens bizarres). Cependant, il y a un truc..."bizarre" lui aussi, c'est que bizarrement je me sens plutôt bien au milieu de tout ce monde. J'ai pourtant pas quitté mon verre des yeux, donc je ne pense pas qu'on ait pu mettre des substances rigolotes dedans, et puis de toutes façons, si ça avait été le cas, je m'en serais aperçue, j'ai l'olfactif très développé. Non, c'est autre chose, et j'ai remarqué ce truc à chaque fois que ces gens bizarres se sont mis à me prendre la main. Ca fait un peu comme avec les détraqueurs dans Harry Potter, sauf que là c'est dans l'autre sens, comme s'ils m'instillaient une espèce de venin par contact, c'est très curieux comme sensation, et ça doit être un poison puissant, parce qu'à chaque fois j'ai vachement de mal à décoller ma main. C'est donc de ça qu'ils se nourrissent ? Tu m'étonnes que j'avais raison de m'en méfier...

Et la preuve qu'il faut s'en méfier, c'est que petit à petit en plus, ben tous ces gens bizarres le sont de moins en moins à mes yeux...comme s'ils m'apparaissaient tout à coup comme des gens ordinaires qui auraient peut-être parfois des vies extraordinaires, la faute à pas de chance, à la nature, à la société, à la vie, va savoir, va comprendre...déjà qu'il m'a fallu du temps pour ma pomme, toute une vie, alors pour des gens que je viens de rencontrer et que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam (rapport à la pomme, vous inquiétez pas, on s'y fait aussi quand on me pratique)... Mais il y a une chose qu'on ne peut pas leur retirer, c'est que même bizarres, tous ces gens vont au bout de leurs rêves, et ça les rend...comment dire...vivants. Tiens, c'est sûrement ce qui m'a manqué pendant toutes ces années, pourtant des gens "space" j'en ai rencontrés, mais jamais de bizarres, curieusement. C'est con, ça m'aurait certainement évité de faire les mauvais choix, quitte à devenir bizarre à mon tour, enfin ça c'est pas un scoop...

Alors bon, pour éviter de faire comme le lierre, mourir où je m'attache, je vais reprendre la route, histoire de poursuivre un peu ma course du lièvre à travers les champs (ça c'est mon côté gipsy, j'ai pas été surnommée "le gitan" pendant des années pour rien). Je prends congé, en faisant gaffe au coup de la main (j'ai compris le truc maintenant), et pourtant c'est pas l'envie qui me manque de rester...ah ben tiens, pendant que je pensais à tout ça, je me fais avoir encore deux trois fois, faut jamais relâcher l'attention, heureusement que je suis timide, ça aide à ne pas être trop fusionnelle...enfin pas si sûre que ça aide vraiment, tout compte fait, parce que j'ai beau être une grande fille, il faut savoir parfois baisser sa garde et laisser parler son coeur...ah ben tiens, c'est le mot que je cherchais au début. Et c'est surtout que je commence à les aimer, mes gens bizarres, pas bizarres en fait, juste exceptionnels, et au moment de se quitter j'ai comme une grosse boule dans la gorge...ce qu'on peut être gnangnan quand on est une fille...et le pire, c'est que j'aime ça...vous pensez que je suis bizarre ?

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