dimanche 24 avril 2016

Dernières balises avant mutation

Il y a un truc qui revient souvent dans les forums de discussion des sites dédiés aux transexuelles, concernant le comming out nécessaire, c'est le fait que beaucoup pensent changer de vie professionnelle après leur transition, histoire de faire table rase du passé. En gros, l'idée c'est de déménager, de changer de boulot et tout le reste pour débarquer dans une nouvelle vie, en plus de "la" nouvelle vie, où personne ne nous connaît "d'avant" et de se faire accepter comme n'importe quelle femme, sans qu'on puisse faire le lien avec "avant". Si je peux comprendre que les gens n'ont pas besoin de savoir qu'on est une femme issue de la transexualité, et dans ce cas c'est logique de couper le cordon de tout ce qui nous relie à la vie antérieure, en débarquant dans une nouvelle ville, nouveau boulot, nouveaux amis, etc, j'ai un peu de mal à cerner les choses pour celles qui donnent l'impression de vouloir le faire avant leur transition.

Bon, ça peut s'expliquer si on a un boulot dans lequel on est confrontées à du public et qu'on préfère le relatif anonymat d'un bureau au fond d'un placard, mais ça ne change rien pour la vie de tous les jours : on aura toujours des voisins, le facteur, l'épicier, etc...et même si on déménage et qu'on change de boulot à la fin du parcours pour se "racheter une virginité" et débuter dans sa nouvelle vie, quid des années passées pendant la transition ? Ou alors on vit en ermite au fond d'une grotte et on en ressort à l'issue ? Ne pouvant me permettre le luxe de me trouver un autre travail, ni de déménager, j'ai opté pour le comming out au sein de mon entreprise.

Il se trouve que, par un heureux hasard, le grand patron de ma boîte est une femme, qui a remplacé l'ancien, un homme, avec lequel je pense que les choses n'auraient pas été si faciles pour moi. En fait, c'est curieux, mais j'ai eu comme ça plein de "signes" dans ma vie qui m'ont aidée à prendre ma décision, et à tous les niveaux. Donc, une fois que j'avais en ma possession les certificats de Tom Reucher, que c'était "officiel", j'ai demandé un entretien à ma patronne pour lui exposer ma situation, manière de "baliser" le terrain (je "balisais" aussi un peu, j'avoue, d'où le titre à double sens...et puis j'aime bien Thiéfaine). Je lui ai expliqué ma situation, présenté les certificats, exposé ma démarche qui ne se voulait en rien "provocatrice", raison pour laquelle je voulais annoncer ma transition avant qu'elle ne commence à être visible, pour déclencher le moins de "remous" possibles, bref, je me suis trouvée face à quelqu'un de profondément humain et qui comprenait tout à fait, allant jusqu'à envisager certains "aménagements" pour le bien de tous. Cerise sur le gâteau, elle est un peu "féministe" mais dans le bon sens du terme et elle s'est déclarée ravie de pouvoir bientôt compter sur une femme de plus sous ses ordres, pour vous donner une idée du contexte de l'entretien :)

Je sais, j'ai beaucoup de chance et je suppose que pour d'autres c'est sans doute moins facile, mais je peux vous garantir que la question "boulot" a été longtemps une de mes préoccupations principales quant à ma transition future, car rien ne laissait envisager que les choses allaient être aussi "simples", c'était même plutôt le contraire. On voit que les mentalités évoluent, heureusement pour les gens comme moi. Il faut quand même dire que certains collègues ont trouvé ma démarche assez "couillue", paradoxalement (lol), preuve que rien n'était gagné d'avance, mais je pense que si on aborde le problème en personne responsable, en ayant bien soin de penser à respecter les autres sans les heurter, et malgré le caractère "particulier" d'une telle situation, alors tout devient possible, pour autant qu'en face on ait des gens intelligents et ouverts, ce qui semble bien être le cas dans mon entreprise et c'est tant mieux.

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